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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

29 Oct

Les prémices

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #les exilés de l'arcange

Auteur Michel Zordan - Extrait : les-premices-numerique.jpgL’atelier avait presque entièrement brûlé, le toit n’existait même plus. Seules quelques tuiles avaient partiellement résisté. Les vestiges d’Hercule 1er, des pièces détachées et l’outillage hors d’usage furent entassés dans un coin, dans l’attente d’être récupérés par la MAF. Il avait été décidé que le nouvel atelier serait installé dans une ancienne étable.

 

La visite à la sorcière de Colason avait été reportée et ma blondinette semblait très soulagée, mais ce n’était que partie remise. L’histoire racontée par Armand Malcoeur l’avait marquée, mais avait en même temps aiguisé sa curiosité.  

 

– Sylvio, avant que tante Éliette ne décide d’une autre date pour rendre visite à la guérisseuse, je crois qu’on devrait aller voir monsieur Armand, il a l’air de savoir beaucoup de choses sur cette femme.

Armand Malcoeur n’en attendait pas tant ; il fut ravi que nous le sollicitions de nouveau sur la sorcière de Colason.  

 

– Vous savez les gosses, je ne sais pas si je fais bien de vous parler tout ça. Les sorcières, elles n’aiment pas qu’on s’intéresse à elles. L’histoire s’est passée il y a quelques années. Elle m’a été racontée par un vieux monsieur digne de foi, qui est maintenant parti dans l’au-delà. Lui-même avait été victime de la sorcière.

 

Nous écoutâmes Armand Malcoeur avec la nette impression qu’il inventait son récit au fur et à mesure qu’il le racontait. 

 

– Ce vieux monsieur s’appelait Casimir, Anatole Casimir. Il avait une ferme à la limite de Floréal et du village d’Eux. Une nuit de pleine lune, il revenait d’une partie de cartes au café de Floréal. Avant de partir, ses compagnons de jeu l’avaient bien averti qu’il risquait de mauvaises rencontres. Mais le vieux était têtu et ne voulait rien savoir ; il avait simplement bu quelques verres de plus pour se donner du courage et il était reparti chez lui.

Il devait être à peu près minuit. Arrivé au bas de la côte de Pellegrin, il mit pied à terre et commença à monter péniblement. J’avais oublié de vous dire, et ce détail a de l’importance, que la nature avait oublié de le faire grandir. Il était tout petit, pas plus grand que toi ma drôle. À peine avait-il fait quelques dizaines de mètres qu’il aperçut des éclairs dans le ciel, au-dessus de la maison de Colason. Il était très étonné, parce qu’il n’y avait pas d’orage. Tout à coup, à quelques mètres de lui, il la vit : la sorcière, à cheval sur son balai, arrivait en ricanant vers lui. Il n’eut pas le temps de se cacher que déjà, elle était sur lui. Elle le saisit par les cheveux et le jeta dans un sac de jute qui ne la quittait jamais. Puis, elle repartit avec lui dans le ciel.  Normalement, elle n’aurait pas dû s’attaquer à Casimir, ce n’était plus un drôle, il avait même presque 75 ans. Après quelques minutes à voyager dans le ciel, la sorcière arriva à Colason, et ce n’est qu’à ce moment qu’elle constata sa méprise. Pas la peine de vous dire qu’elle était très, mais très en colère, parce qu’elle avait absolument besoin d’un véritable drôle pour sa potion. En ricanant, elle le jeta à nouveau dans le sac, l’accrocha à son balai et repartit dans le ciel pour le ramener à l’endroit où elle l’avait attrapé. Elle lança alors le sac à terre et pour se venger, elle lui asséna une volée de coups avec le manche de son balai, puis elle le sortit du sac et le jeta dans le fossé. Ce n’est que le matin de bonne heure qu’un voisin le trouva et le ramena chez lui pour le soigner. Il était couvert de bleus et ne semblait plus trop savoir ce qui lui était arrivé. Vous savez, les enfants, si vous allez voir cette sorcière, allez-y de préférence le matin ou en tout début d’après-midi, et surtout, ne quittez pas madame Éliette, je vous aurai prévenus. 

 

Amandine et moi étions perplexes ; comment, un soir de pleine lune, la sorcière pouvait-elle avoir fait une telle erreur ? Et puis, si le vieux Casimir ne se souvenait plus de rien, comment avait-il pu raconter ce qui lui était arrivé ?

 

Nous décidâmes que cette histoire n’était que le fruit de l’imagination débordante d’Armand Malcoeur. Mais, pour être plus tranquilles, nous demanderions quand même à madame Éliette de rendre visite à la sorcière un matin.

 

Dans la soirée du 2 août 1933, Adolphe Chapignard et ses deux complices furent transférés sous bonne garde à la gendarmerie de Condom. Yvan Laterre se rendit sur place pour assister à l’interrogatoire qui fut mené par le commandant Vermel, de la brigade d’Auch.

 

Adolphe Chapignard réfuta toutes les accusations.

 

– Notre parti, le mouvement nazi, et notre leader Adolf Hitler, sont depuis janvier au pouvoir en Allemagne, mais nous  sommes encore très contestés. Nous recevons de multiples menaces et plusieurs de nos membres ont déjà été attaqués. C’est pour cela que nous étions armés. Lorsque les gendarmes nous ont intimés l’ordre de stopper, il était quatre heures du matin environ, et nous pensions à des individus déguisés. Nous avons donc forcé le barrage et répondu au tir des hommes que nous prenions pour des opposants, venus d’Allemagne pour nous abattre. En ce qui concerne l’incendie de l’atelier et la disparition du mécanicien, vous vous trompez également, nous n’y sommes pour  rien. 

 

Adolphe Chapignard parlait d’une voix posée, toujours poli, sans jamais élever le ton ; il en était presque convaincant.  

 

– Monsieur Chapignard, vers une heure du matin, votre automobile avec trois hommes à bord a été aperçue sur une petite route, pas très loin du château. Les témoins sont dignes de foi, ils ont reconnu votre voiture, une Mercedes-Benz type 770, noire, qu’ils avaient d’ailleurs déjà vue auparavant. Une voiture de ce type, ça ne court pas les routes par ici. 

 

– Monsieur le commandant, je peux vous assurer que ce n’était pas notre voiture, puisqu’à cette heure-là nous roulions vers Brive, après un petit repos d’une heure que nous avons pris après le repas. Mais si des témoins ont cru reconnaître notre voiture, ils ont dû par la même occasion voir ses passagers et doivent être en mesure de les reconnaître. Vous pouvez donc nous présenter ces témoins, ils pourront alors constater que ce n’était pas nous. 

 

 

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