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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

18 Feb

Les derniers cahiers

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #Les derniers cahiers, #les exiles de l'arcange, #auteurs du Sud-ouest, #Michel zordan

Extrait : Le nectar à une robe fantastique, c’est presque dommage de laisser déguster un cru de cette qualité par un tel salopard. La bouteille pivote juste à temps, pour récupérer la dernière goutte. Puis, tout aussi lentement,  je la relève.

Dites donc jeune homme, j’ai dîné et soupé, dans tous les grands restaurants que comptent la France et la Navarre, jamais on ne m’a servi un tel millésime sans le décanter. Vous avez pourtant l’air de vous y connaître, je… Vous avez sûrement une explication. 

Sa réaction, je l’attendais, maintenant je dois lui servir mon discours.  

– Me permettez-vous d’être franc, Monsieur Ferdinand Bouvier. Sans aucune offense à leur endroit, mais tous ceux qui vous ont servi ce nectar en le décantant, ont commis un sacrilège. Mais par ignorance, seulement par ignorance. On ne peut pas traiter le Château-Ponsac 1922 comme un simple breuvage. Le Château-Ponsac 1922 est la merveille, parmi les merveilles. Savez-vous pourquoi, certains vins se bonifient avec l’âge, alors que d’autres périclitent Monsieur Ferdinand Bouvier ! Il y a le terroir, et celui du vignoble qui a fait naître ce sublissime vin est une exception. Mais regardez ce dépôt au fond de la bouteille, il est là le trésor. Lors de sa mise en bouteille, ce cru n’a pas subi les outrages que d’autres ont subis, il n’a pas été filtré. Ça ressemble à des résidus, mais ce ne sont pas des résidus, bien au contraire. C’est dans ce trésor que le vin,  durant des années a continué a puisé pour devenir un nectar. Ce trésor, c’est sa terre nourricière. Ce vin doit sa quintessence à ces minuscules particules qui lui ont apporté son extraordinaire évolution. Le vin dans cette bouteille forme un ensemble qui est devenu au fil des ans une entité à part entière. En le décantant, pour le séparer des éléments qui l’ont catapulté au firmament, j’aurais brutalement brisé cet ensemble fragile, mais extraordinaire. En le décantant, j’allais le tuer, l'assassiner. J’ai ouvert cette bouteille, afin que le vin respire, qu’il se prépare, une heure, pas plus avant le service. Six autres ont été ouvertes en respectant, un petit décalage. Le vin va alors comprendre que sa vie en bouteille est terminée, qu’il doit maintenant faire ce qu’on attend de lui, ravir les palais. Une dernière fois, il ira puiser dans ce qui a fait sa quintessence, pour être propulsé au plus haut. Et plus haut,  c’est la voûte des cieux.  Il va alors se parer de sa plus belle robe, exhaler des senteurs subtiles, des saveurs délicates, sa longueur en bouche sera extraordinaire. Monsieur Ferdinand Bouvier, le service est primordial. Le moment venu, il faut délicatement prendre la bouteille, sans la bousculer, et la pencher très précautionneusement pour en faire couler son contenu dans le verre. Le convive doit alors le déguster dans les dix-minutes, maximum dans le quart d’heure qui suit. Ce nectar des rois sera alors au maximum de ce qu’il pourra offrir. Je vais même ajouter que le meilleur du meilleur, c’est le vin du dernier verre, celui qui a toujours été en contact avec cette potion,  extraordinaire. Voilà Monsieur Ferdinand Bouvier, voilà comment moi je souhaite servir ce Château-Ponsac 1922. Afin que vous puissiez faire la différence, je peux vous réserver le meilleur du meilleur, le dernier verre, pour un peu plus tard, Monsieur Ferdinand Bouvier.

Cette ordure ne perd rien pour attendre, il va l’avoir son dernier verre. Et avec la lie en prime.  

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