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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

35 - Émilie et Jade du manoir Saint-Pierre

Publié par Michel Zordan

Auteur Michel ZORDAN – 160 pages

– Monsieur, vous allez bien ! Vous allez bien Monsieur !

– Oui ça va, mais qui me parle !

Je suis un peu groggy, mais j’arrive à tourner légèrement la tête et j’aperçois un képi, et sous le képi, une tête. Un gendarme ! L’homme ouvre la portière et m’aide à sortir. J’ai du mal à tenir sur mes jambes. Lorsque le deuxième arrive, me soutenant, ils me font marcher un peu. Il pleut encore quelques gouttes, au loin, l’orage gronde, les éclairs zèbrent le ciel. Je parviens difficilement à côté de leur véhicule, dans lequel ils me font monter. Bizarre cette camionnette, je connais assez bien les gendarmes de Canciet, mais pas ces deux-là ! Quelques minutes plus tard, l’orage s’est éloigné, le ciel est de nouveau bleu, apparaît même un arc-en-ciel. J’ai dû rester un bon moment inconscient dans la voiture. Mais certainement pas plus d’une heure. Encore bizarre, la petite route me semble plus large, et il y a même une bande discontinue au milieu.

– Monsieur, j’ai demandé à une dépanneuse de venir chercher votre 504. Mais comment avez-vous fait votre compte, ça monte légèrement, et la route est pratiquement droite ! Peut-être la foudre, et alors, vous avez fait un malaise, et en plus vous n’aviez pas votre ceinture de sécurité !

– C’est à cause de l’orage, il y avait de l’eau partout, je roulais au pas, je pense que la foudre est tombée sur la voiture. J’ai perdu le contrôle de ma 404, mais maintenant ça va aller ! J’arrivais de chez les Deluc, du manoir Saint-Pierre, la Séoune doit avoir débordé, et la route du fond doit-être complétement submergée, alors Monsieur Deluc m’a conseillé de repartir par le haut.

– Vous vous appelez comment Monsieur ?

– Letellier, Lissandre Letellier, j’habite Canciet, je suis le marchand de graines. J’ai une boutique sur la place de la mairie, c’est ma femme Mauricette qui est à la caisse. Vous êtes nouveaux, je connais tous les gendarmes de Canciet, et l’adjudant-chef Tabouriech, mais vos visages ne me disent rien, vous arrivez d’où ?

– Je vous signale Monsieur Lissandre Letellier, qu’il n’y a plus de gendarmerie à Canciet depuis au moins trois ans ! Nous sommes de la brigade de Condom, notre patron est l’adjudant-chef Pendellet ! Vous êtes certain d’aller bien Monsieur Letellier ? Vous venez d’où exactement Monsieur Letellier ?

Nous sommes le jeudi 4 juillet 63, au tout début de l’été. À l’ouest un gros orage monte. Je suis en route pour le Manoir Saint-Pierre. Les éclairs zèbrent le ciel, le tonnerre gronde. À peine arrivé, la pluie commence à tomber, un véritable déluge. Dans le petit salon, les Deluc, sont là, nez collé à la fenêtre, les yeux rivés vers l’extérieur.

– Bonjour Monsieur Deluc, bonjour Émilie, quel sale temps, vous allez bien ?

– Bonjour Letellier, nous allons comme le temps va mon ami ! Quel sale temps, ça fait le quatrième orage en à peine dix jours, encore heureux si la grêle ne s’invite pas ! S’il grêle s’en sera terminé des récoltes pour l’année. Plus de blé, plus d’orge, plus d’avoine, et plus de vigne. Il ne nous restera que le bétail, et encore, si les fermiers ont assez d’herbe pour les nourrir. Il n’y a que vous qui ne perdrez rien, vous avez choisi le bon métier, acheter et vendre, des graines, vendre des engrais !

– Ne croyez pas ça Monsieur Deluc, si je n’ai pas de graines à acheter, je n’ai pas de semence à vendre, et je ne vends pas non plus d’engrais !

Les Deluc du manoir Saint-Pierre étaient, il a encore quelques années, propriétaires de 6 fermes, louées à six fermiers. C’était l’époque florissante de l’après-guerre. Aujourd’hui, ils n’en ont plus que deux, celles de Madame.

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