Les derniers cahiers

ISBN 979-10-92612-27-1 – Les derniers cahiers

Collection les Exilés de L’Arcange – volume 10

 Auteur Michel ZORDAN

La lecture du quatrième et dernier cahier est achevée, je sais tout, ou presque. J’ai remarqué un détail flagrant sur la façon qu’a Le Gascon de raconter les moments vécus. Les évènements qui se sont produits durant la période des charbonniers de la forêt de Loches, avant fin 42, sont décrits avec une grande intensité et de nombreuses précisions. Après et jusqu’à la fin de la guerre, c’est beaucoup plus succinct, il y a moins de détail, comme si Le Gascon ne vivait pas ces moments de la même façon. C’est certain qu’il regrettait la vie qu’il menait à la Grande Remise, avec ses frères d’armes, tous ses amis les charbonniers et Sonia. Je crois aussi qu’il se sentait responsable de ce qui s’était passé début novembre 1942,  dans la forêt de Loches.

J’ai beaucoup de mal à me faire à l’idée, que les héros, Le Gascon et Sonia, sont mes propres parents. Mon papa et ma maman, et que ma propre existence est liée aux évènements décrits dans les lignes que je viens de lire. Au début, j’y parvenais. Mais au fil des pages, j’ai rapidement eu l’impression bizarre d’être plongé dans un dramatique roman, avec de gentils héros et des grands méchants. Il y a même une histoire d’amour, très, très courte, entre le héros et l'héroïne. De cette histoire naît un enfant, ça, j’en suis le témoin vivant. Et à la fin comme dans tous les bons romans, les bons gagnent.

Cela fait quatre jours que nous avons quitté la France. Nous sommes presque  à Adélaïde, encore quelques minutes de vol. J’ai hâte de revoir papa, mes petites sœurs, Simonetta et Julia, et… Angelika.

– Alors, tu as terminé ! Maintenant, tu comprendras certainement mieux ton père, et ta mère. Ce qu’ils ont vécu, peut paraître terrible, mais des dizaines, de centaines de milliers de gens l’ont vécu. Pourtant, cela ne semble pas avoir servi de leçon.

Grand-père veut parler de la guerre en Algérie qui n’en finit pas.

Le Lockheed L-188 de la Quantas touche enfin la piste. Il rejoint le tarmac et se dirige vers le terminal.

– Regarde grand-père, ils sont là-bas… tous les quatre…

Je ne veux pas, mais c’est plus fort que moi, mes yeux s’embuent, et je cours vers eux. C’est à l’instant où papa me prend dans ses bras, qu’enfin je réalise, toute la chance que j’ai d’être sur cette terre. Je réalise que je suis le fruit d’un extraordinaire concours de circonstances, survenu durant un dramatique et haut fait de Résistance. Je réalise enfin que les héros « du roman » sont mon papa et ma maman, et qu’ils ont vécu des épreuves de sacrifices bouleversants et terribles. Et moi j’ai la chance extraordinaire d’avoir été conçu durant l’une d’elles. Je réalise que sans l’opération Jeanne d’Arc, je ne serais pas de ce monde.