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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

12 Apr

L’auteur se pose quelques questions…et tente d’y répondre

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #Un auteur du Sud Ouest

 l'héritière-couvertureCommuniqué des Editions 3Z -  prochaines sorties…

Les 4 nouveaux romans de Michel ZORDAN,  sont disponibles à partir du 1er mai.

La princesse de bronze ISBN 978-2-9532863-7-3 – 236 pages - format 15x21- Prix public 16€ infos >>>http://www.unauteur.com/ en – de 12 mots : Une métaphore sur le monde qui nous entoure 

La Louve de Notre-Dame  ISBN 978-2-9532863-6-6 – 254 pages - format 15x21- Prix public 16€ -   infos >>> http://www.unauteur.com/  en – de 12 mots :  Les tribulations d’un bâtard au moyen-âge 

Du foin sur le green  ISBN 978-2-9532863-5-9 – 246 pages -  format 15x21 Prix -public 16€  infos >>>>http://www.unauteur.com/  en – de 12 mots : La vie idyllique d’un américain faisant des affaires dans nos campagnes

 Une ombre sur le Monde ISBN 978-2-9532863-4-2 – 288 pages -  format 15x21- Prix public 16€  infos >>> http://www.unauteur.com/  en – de 12 mots : Ces déracinés qui ont su mêler leur destin  à celui des natifs

        L’auteur se pose quelques questions…et tente d’y répondre

 

 

Qui suis-je ? Un autodidacte de l’écriture, qui quitte l’école, diplôme en poche (passe ton CEP d’abord) à treize ans et demi, pour travailler dans la ferme familiale. Qui quitte la ferme familiale à seize et demi, pour s’exiler à Paris. Puis qui,  à l’aube de la  trentaine,  revient en Sud-Ouest avec femme et enfant, parce que vivre loin de ses racines, et de la campagne lui paraissait insupportable. Puis qui, la cinquantaine passée tombe, par hasard ou pas, dans le chaudron de l’écriture. L’écriture, ça fait 10 ans que ça dure, 10 ouvrages édités et il n’y a pas de raison pour que cela cesse.

 

 

Si mes livres étaient une musique, quelle serait-elle ? Une musique simple et tonitruante genre « Bandas», parfois même archaïque, écrite par une main profane qui découvre sans fin.


Qu'aimerais-je partager avec mes lecteurs, en priorité ?
Cette idée que seule la lecture peut faire naître des images uniques, très personnelles. Conforme aux statuts de l’humain : tous différents. Aujourd’hui nous sommes envahis par les images. Elles nous arrivent par vagues énormes, laissant aux autres, à ceux qui nous abreuvent le soin de les interpréter à leur façon, en nous imposant, en nous obligeant presque à marcher vers la même vérité. Avec la lecture, les choses sont bien différentes. Pour chaque même mot, pour chaque même phrase, chacun peut imaginer autrement, interpréter de son propre chef. Chacun peut y voir des images uniques, générées par une sensibilité unique, remettant les choses bien à leur place. Chaque humain est un exemplaire unique, et sa pensée doit l’être également.

Comment me vient l'inspiration ? Par hasard, mais souvent la nuit, entre sommeil et rêverie. Pour moi c’est comme un écheveau de mots en vrac dans la tête. Il suffit que je trouve le bon bout et délicatement je tire dessus pour en faire une belle pelote, bien ronde. S’il y a des bosses et des creux, je fais quelques retouches. Il y a très souvent des bosses et des creux.


Comment l'écriture est-elle entrée dans ma vie ?
Je pense que c’était très jeune, mais je ne l’ai su qu’assez tard. Je suis né en Gascogne vers le milieu du siècle dernier, dans une famille nombreuse d’immigrés Italiens. Nous n’avions pas d’électricité à la maison, donc pas de radio et… bien sur pas de télé, ni même d’Internet (c’est pour rire.) En hiver, assis sur des bancs devant la bonne chaleur de la cheminée, c’était « le père » qui, pour nous distraire racontait des histoires. Souvent des histoires de sorcières, qui me laissaient plein d’effroi, lorsque pour aller dormir, je devais, ouvrir plusieurs portes grinçantes, descendre plusieurs marches et parcourir quelques mètres, le tout dans le noir le plus total. Je pense que le parcours se faisait en totale apnée. Je ne me sentais en sécurité qu’une fois caché sous le lourd édredon de duvet de canard. Des sorcières qui soulèvent les édredons ça n’existe pas. Mais une histoire plus personnelle revenait régulièrement, parce que nous, les gosses étions demandeurs. C’était celle de la famille de mon père fuyant le fascisme. Ils partirent une nuit d’hiver de l’année 1923, de l’Est de l’Italie pour rejoindre la Gascogne et le Sud-Ouest de la France. J’avais beaucoup de mal à imaginer mon père alors âgé de 8 à 9 ans, suivant à pied, avec ses frères et sœurs la charrette tirée par des bœufs qui transportait leurs maigres bagages. Je m’étais alors posé la question : qu’avaient ressenti mon père et sa famille, au moment de quitter leur maison, pour partir vers l’inconnu ? Et moi, si je devais quitter ma maison, et partir pour l’inconnu : comment réagirais-je ? Je me souviens que très régulièrement j’empruntais le livre de géographie des plus grands pour découvrir le chemin du périple. En comparant avec le trajet que nous devions parcourir pour aller à l‘école (presque 4 km matin et soir), j’avais tenté de savoir combien de jours il avait fallu à la famille de mes grands-parents paternels pour arriver à bon port. Mais comme une partie avait été faite en camion, je ne pus jamais savoir le temps qu’avait duré le périple de presque 1500 km.

 

 

Courant 2000, j’entrepris la réalisation d’une encyclopédie internet « Géovignoble » sur les vignobles et vins de France. C’est en jonglant entre aire de répartition et cépages de l’appellation Côtes de Gascogne, que me titilla l’idée d’écrire l’histoire d’une famille d’immigrés Italienne. Les Montazini fuyant (comme la famille de mon père l’avait fait) le fascisme pour trouver refuge en Gascogne dans le Sud-Ouest de la France. Ma mère également, à cette même période quittait l’Italie avec sa famille pour rejoindre la Gascogne, et acheter une petite ferme. Mais tout à fait légalement, leur prénom italien ayant été francisé par l’administration française. Sûrement pour faciliter l’intégration. Mon père et sa famille, réfugiés politiques ont conservés les leurs, bien italiens. Durant plusieurs mois, je mis mon imagination au travail. Ce ne fut pas très facile, à part la lecture de polars, mon expérience littéraire se limitait à des courriers pour réclamer des impayés à mes clients, ou des relances de livraison à mes fournisseurs. Et à la rédaction des pages du site que j'étais en train de créer. Trouver des noms, des situations, du relief, une époque, de la cohérence, du réalisme, un certain style,  sans que cela ressemble trop à l’histoire de ma famille et à celle du village dans lequel les faits sont censés se passer. J’essayais alors de réactiver mes souvenirs de gosses. La magie de l’alambic, l’école du village, le catéchisme, la pêche aux écrevisses, le travail dans les vignes, les moissons, le battage, les vendanges, la cloche à fromage (http://0z.fr/541nQ), la visite du chai d’Armagnac-Ténarèze, plus quelques brides d’histoires racontées par le maitre de chai (voir ci-dessous.) Pour respirer un peu l’air des époques passées, je tentais de retrouver dans de vieux journaux quelques faits divers. C’est ainsi que naquit Rudolf Têtard (voir Google), journaliste réac et véreux et même plus,  du Journal Le Dépendant de Paris (www.ledependant.com). Je constatais alors que de tout temps on mentait, on trichait, on volait et on assassinait, pour voler, pour faire taire, par jalousie, ou pour capter un héritage. Aux USA se passait également des choses importantes. Deux faits très importants entre-autres m’intéressaient : le crack boursier de 1929, et le début de la fin de la prohibition en 1933…. À cette époque, en France, mais aussi outre atlantique l’armagnac rivalisait d’égal à égal avec le cognac. En Sierra-Léone on découvrait les premières pierres précieuses. Le Liban était sous administration française. Je me servirais de tout ça, pour sortir l’histoire des sentiers battus, pour ouvrir les horizons, pour voyager hors des limites de la contrée.

 

 

Après quelques mois, un profil assez précis du récit est enfin dessiné, la période : 1930 à 1947. J’ancrais ma saga gasconne dans une époque clé, troublée, mais fertile. Cette période d’entre deux guerres et jusqu’à l’après guerre n’est pourtant pas si éloignée de nous. Mais son histoire très riche nous semble déjà très lointaine. Le fascisme en Italie, le nazisme en Allemagne, la guerre civile en Espagne et une France qui se cherche. Une France qui recrute à l’étranger pour palier au manque de main d’œuvre dans les campagnes. Une France paysanne, dans laquelle une majorité des habitants vivent de la terre. Une France qui travaille souvent sept jours sur sept, qui ignore tout des mots « loisir » et « chômage », mais qui en 1936 avec le Front populaire apprend le mot « vacances ».

 

 

Aujourd’hui, les témoins de cette époque sont toujours nombreux, et leurs souvenirs toujours très présents. Ces témoins ont accompagné tout ce qui fait la France d’aujourd’hui et, à l’image « Des Exilés de L’Arcange », les déracinés de cette époque ont su mêler leur destin à celui des natifs.

 

 

Ne restait plus qu’à trouver un titre. Le premier qui me vint à l’esprit c’est « La folle blanche », cépage emblématique de l’armagnac. Plus tard, je compris que pour communiquer, sur Internet notamment, valait mieux trouver autre chose.


Les ingrédients pour élaborer le cocktail était là, devant moi, bien en vue, mais il restait maintenant l’essentiel à faire, écrire l’histoire. Trouver le bon bout parmi l’écheveau de mots qui bouillaient dans la tête, pour faire une belle pelote.


Puis un jour de janvier 2004 (les bonnes résolutions, vous connaissez !) je me décidais enfin. De 2004 à 2005, j’écrivais la saga des Montazini, 5 tomes, environ 1500 pages sont tracées. Puis d’autres histoires, romans de terroirs avec la collection « le net au pré », et puis d’autres encore suivirent… Je n’écrirais la fin des Exilés de l’Arcange qu’en 2009.


Mes premiers chocs littéraires ?
Les bulles des « comics » : Kiwi avec Blek le Roc, Roddy et le professeur Occultis, kit Carson, Buck John et …. Le mercredi je veillais l’épicier dépositaire, et dès que le livreur apparaissait j’étais le premier client. Je pense avoir appris l’histoire des USA grâce aux bandes dessinées. Exilé à Paris un peu après mes seize ans, j’ai découvert qu’il existait des livres sans image. Depuis, les polars sont toujours mes meilleures lectures. Une chose bizarre se produit, même après les avoir lu et relu plusieurs fois, je découvre toujours quelque chose de plus, les images sont toujours différentes.


De mes ouvrages, celui ou ceux que je préfère ?
Sans nul doute, ceux de la série des Exilés de L’Arcange, parce que l’histoire est ancrée dans l’univers qui m’a vu naître et grandir: le monde paysan, celui des champs de blé et d’avoine, des prés et des vignes de Gascogne. Parce que mes souvenirs les plus anciens, les plus fertiles, sont enracinés dans cette maison que j’ai rebaptisée L’Arcange et dans cette campagne synonyme de grande liberté. Ils m’ont forgés l’esprit et sûrement mon caractère de gascon.

 

 

La magie dans les yeux d’un drôle - Comme partout dans nos campagnes de Gascogne et d’ailleurs, le distillateur ambulant nous rendait visite une fois l’an. Certaines années, mon père chargeait quelques barriques sur la charrette et partait à sa rencontre chez un voisin. Armagnac oblige, la plus grosse part du vin récolté sur la ferme, était cédé pour la distillation. Mais pour la consommation personnelle, nous avions le droit d’en faire distiller une certaine quantité pour en tirer de la blanche, eau-de-vie de l’année. Ce souvenir dès l’âge de 4 à 5 ans, reste ancré en moi, comme si je n’avais pas encore très bien compris que nulle magie n’entoure ce processus. Imaginez dont, même avec du vin rouge, le liquide qui en résultait était transparent, plus limpide encore que l’eau de source. D’où son appellation d’eau-de-vie, ou blanche pour l’armagnac. On lui attribuait des vertus médicinales. Ma maman s’en servait d’ailleurs pour désinfecter les bosses et les plaies. Ça piquait un peu, mais c’était radical. Je restais là, planté devant l’alambic, à attendre que le petit filet translucide apparaisse. Et c’était à ce moment précis qu’autour de moi les sucres pour le canard apparaissaient. Je n’étais donc pas le seul à croire à cette alchimie.


C’est vers l’âge de quinze ans, et à quelques kilomètres de la ferme, que je pus en compagnie d’autres garçons de mon âge, visiter un fantastique chai d’Armagnac-Ténarèze. Ce souvenir est toujours bien présent dans ma mémoire, même si le temps a su patiner ces instants pour les sublimer plus encore. Sur des centaines de mètres carrés,
demi-muids et tonneaux, bien rangés. Sur le côté, trois majestueux alambics armagnacais, tout cuivres dehors, sortaient de leur long sommeil pour reprendre du service. C’était au tout début du mois de novembre et nous eûmes la chance d’assister aux premiers réglages. Comme une leçon de maître, je me souviens des paroles de l’homme qui œuvrait dans les lieux. Il boitait légèrement, les conséquences d’un contact un peu rugueux avec un demi-muid de blanche. Avec des mots bien choisis, il nous avait expliqué, la différence fondamentale entre un alambic ordinaire et un alambic armagnacais. Comme pour mettre un peu de relief, et nous donner le frisson (les guides font toujours ça), il nous avait également raconté quelqueshistoires pas très reluisantes sur les escroqueries et même plus, qui avaient un temps menacé la réputation du précieux breuvage. Et la part des anges n’était pas seule en cause. Voyant nos yeux plein d’intérêts, il en rajouta une couche, et nous parla de l’une des dernières exécutions ayant eu lieu dans le bourg. La petite route au bord de laquelle était installée la guillotine, a très longtemps porté le nom de « Côte de la Guillotine ». Chaque fois que je l’empruntais, un petit frisson montait dans le dos. C’était au début du siècle, un homme en avait assassiné deux autres, le père et le fils revenant du marché aux bestiaux. Les poches pleines de l’argent de la vente d’une paire de bœuf et de la récolte de vin, ils s’étaient sans doute laisser aller à trop parler au café de Pierrette Malfeu (voir Google), fêtant l’évènement, quittant le village à la nuit tombée. L’homme les attendait au contour d’un chemin creux, en plein bois et les avait sauvagement assassinés. Même si le fait divers datait, ça marque un drôle de quinze ans, surtout lorsque qu’il devait passer devant l’endroit où l’assassin avait été raccourci.


Je crois que c’est l’homme qui nous reçut ce jour là, qui devint par la suite, dans les Exilés de L’Arcange,
Alphonse Diodin, le maître de chai du Château Tourne- Pique. Je pense que c’est également ce chai qui me servit de modèle. Il nous apprit que l’homme qui avait œuvré pour mettre en place les trois appellations de l’Armagnac n’était autre qu’Armand Fallières, alors Président de la République Française. Il se trouvait qu’il était originaire de ma contrée. Sa famille possédant à moins d’un kilomètre de notre ferme le château de Loupillon, ainsi que plusieurs fermes attenantes. Ses vignes à armagnac jouxtaient les nôtres. Je me rappelle même durant des vendanges, avoir aperçu son petit-fils, déjà un vieux monsieur, se promenant sur les allées, nous saluant bien bas. À cinq ans, être salué par un petit-fils de Président de la République, ça marque. J’ai donc baigné dans l’univers de l’armagnac dès ma naissance. Mes racines trouvent leur genèse dans la même terre que celle du cépage un peu mythique de l’Armagnac-Ténarèze : la folle Blanche. Il est vrai que mes premiers pas l’ont été dans une grande cuisine au sol de terre battue. J’ai donc véritablement commencé à pousser dans cette terre. Je comprends mieux encore maintenant les raisons qui m’ont poussé à écrire cette histoire. Une fiction qui pioche ses reliefs dans une réalité grandie par les souvenirs d’un drôle.

 Un autre souvenir marquant pour mes yeux de gosse, le dépicage (le battage des céréales en Gascogne.) Moment festif, convivial ou personne n’épargne sa peine, aidant sans retenue son voisin, celui qui en retour vous aidera. Et le soir c’était ripaille jusqu'à pas d’heure, dégustant à la fin ce que la région proposait comme un cadeau venu de notre belle et bonne terre nourricière, l’Armagnac-Ténarèze. Elle était là, la solidarité entre paysans. Le machinisme à inventer le chacun pour soit, et presque éteint cette lumière qui permettait à tous de vivre et de survivre en toutes circonstances.


Il n’y a bien sur aucune nostalgie dans mes propos, ni même de mauvais souvenir de ma prime jeunesse. S’il devait y en avoir une autre, je me la souhaiterais identique. J’ai juste l’impression que les premières années de la vie comptent double.

 

 

 

Bien à vous.

 

Michel Zordan

 

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