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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

16 Jul

Une ombre sur le Monde

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #Un auteur du Sud Ouest

tome5-couverture1-1Le nouveau roman de Michel Zordan.  L'auteur vous propose des extraits.

 

Extrait chapitre 1 - À la mi-août madame Éliette accompagna Amandine chez ses parents, en vacances à Biarritz. À son départ, même si chacun de nous fit tout pour le dissimuler,  l’émotion était bien là. J’étais très déçu et je savais ma blondinette très déçue également. Je n’arrivais pas à comprendre et je la savais très contrarier de cette situation. Fallait-il y voir la fin de notre petite amourette d’adolescent ? Je n’y croyais pas. Il y avait autre chose de plus complexe, comme une difficulté à faire évoluer nos sentiments de gamins candides vers une véritable relation amoureuse. J’étais maintenant âgé de plus de seize ans, Amandine les fêterait à la fin de l’année. Les petits bisous sur la joue, les innocents baisers chapardés à la va-vite ne semblaient plus nous satisfaire. Mais en même temps, j’avais l’impression que nous avions peur, peur de traverser le gué, d’aller voir ce qui se passait de l’autre côté.

 

Ma petite aventure de l’année passée avec Juliette y était-elle pour quelque chose ? Non, sûrement pas. Le malaise s’était installé bien avant et cette aventure en était peut-être juste la conséquence !  Mais quand cela avait-il commencé ? En y réfléchissant bien, je pense que c’était un peu après ma première rencontre avec Juliette. Après ma première rencontre avec une Juliette se baignant nue. Je devais le reconnaître, ce corps dévoilé m’avait troublé. C’est aussi cette année-là que j'avais commencé  à ressentir des choses que je ne ressentais pas auparavant. Mais peut-être les avais-je déjà ressenties, sans vraiment en prendre réellement conscience. Je me rappelais fort bien cette séance de baignade avec Amandine. Je la maintenais presque nue dans mes mains, tentant de lui apprendre à nager, et le trouble s’était installé. Oui, je crois vraiment que nous avions peur de traverser ce gué, parce que nous avions peur de l’après. 

 

Peut-être étions-nous trop jeunes encore pour commencer à vivre comme des grands, mais déjà trop vieux pour jouer à faire comme les grands. 

 

Ou alors ma blondinette m’aimait comme une petite sœur aime son grand frère, ou ses parents. Non, ce n’était pas possible, j’étais persuadé que ça ne pouvait pas être ça. De mon côté, j’en étais certain, l’amour que je portais à Amandine était bien différent de celui que je portais à Mariéta et à papa. Ou alors il y avait autre chose, Amandine avait un autre amoureux. Ces pensées me contrariaient et allaient me gâcher la fin des vacances.

 

Durant tout le début du mois de septembre, j’évitai d’aller me baigner, je ne voulais pas prendre le risque d’y rencontrer Juliette.

 

Le 14 septembre, premier jour de la Sainte-Croix à Floréal. Après le travail, vers  sept heures je décidai d’aller y faire un tour. Cette année, la foire prenait une autre dimension. Des tables et des bancs étaient installés sur la place ronde et chaque soir c’était ripaille. Au centre, on avait installé un grand feu autour duquel rôtissaient cochons de lait, ventrèches, pièces de viande et volailles à la ficelle.  Les senteurs et les ferveurs de la fête attiraient foule et le vin de Gascogne coulait à flot. L’ambiance était festive et j’en oubliai mes petits soucis. Lorsqu’une main se posa sur mon bras, je me retournai.

 

– Bonjour Sylvio, tu vas bien ? Je ne t’ai pas encore vu à la plage. Il fait pourtant très chaud et tu dois beaucoup transpirer sur ton tracteur ! Aurais-tu peur d’y faire de mauvaises rencontres ?

 

Durant quelques secondes je restai sans voix. Elle s’approcha de moi et déposa un baiser sur mes joues. Son parfum avait quelque chose de grisant. 

 

– Juliette, quelle bonne surprise,  personne ne m’avait dit que tu étais en vacances ! Tu sais, pour la baignade, je n’ai pas trop le temps. Cette année, j’ai encore plus de travail, à peine le temps de manger à midi, j’avale juste un casse-croûte.

 

– Mais pour ce soir, ton travail est terminé, tu peux m’inviter à souper !

 

Seul un mufle aurait refusé, je me sentis quand même un peu pris au piège.

   

– Bien sûr, avec grand plaisir. Allons nous assoir. Alors, tu deviens quoi ?   Tes vacances, ça se passe bien ?   

 

Le rosé était gouleyant et frais, le verre de Juliette se remplissait et désemplissait vite, très vite. Mais le mien également. En temps normal, je ne buvais que de l’eau, un peu de vin de temps à autre, mais ce soir-là… Et tout le monde le sait, l’alcool rend fort, vous enhardit. Vers minuit, je m’entendis lui dire.

 

– Il est temps que je rentre, demain je travaille tôt. Si tu veux que je te raccompagne, c’est avec plaisir. Ça ne me fait faire qu’un petit détour.

 

– Je veux bien, c’est gentil de ta part de me le proposer. Rentrer seule à cette heure, je ne suis pas très rassurée !

 

– Avec moi, rien ne peut t’arriver, je serai ton chevalier servant. S’il le faut, je ferais de mon corps un barrage…

 

Le cœur léger, le rire facile, et le mot aisé, chacun sur notre bicyclette, nous prîmes ensemble la route de Villeneuve-de-Floréal. Une brise un peu tiède me donnait l’impression de flotter. À l’amorce d’un petit faux plat, Juliette mit pied à terre. Je m’arrêtai pour l’attendre.

 

– Alors jeune fille, une si petite côte.  Allez, du courage, je vais te pousser.

 

Je m’approchai de Juliette, elle se remit en selle. Me tenant à ses côtés, j’entrepris de l’aider. Sa peau était souple, son parfum encore plus grisant et sa robe à fleur, légère, très légère. Mais cent mètres plus loin…

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