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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

03 Oct

Romans du terroir – Les exilés de l’Arcange

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #Un auteur du Sud Ouest

les prémices-copie-1Série Les exilés de l'Arcange  - Même s’il s’en échappe régulièrement, Michel ZORDAN situe son histoire dans une Gascogne paysanne, qu’il connait bien. Le village de Floréal, le château Tourne Pique et la ferme mythique de L’Arcange sont omniprésents dans le décor planté par l’auteur.

S’il ne désigne pas formellement les lieux réels d’où l’histoire se raconte, les quelques informations que Michel ZORDAN laisse transparaître ne laisse guère de place au doute. Elle se situe dans le Gers, en Ténarèze, au cœur d’une Gascogne paysanne, qu’il connait parfaitement, proche du triangle Condom – Eauze – Nérac. Une Gascogne qu’il décrit généreuse, terre d’asile, héritière d’une tradition d’accueil aussi profondément enracinée que les ceps de folle-blanche et riche d’une histoire plusieurs fois millénaire.

Pour l’auteur, le choix du milieu dans lequel l’histoire évoluerait ne s’est pas posé. Il lui est paru évident qu’il ne pouvait être que celui des paysans Gascons, pays de son enfance. Le point d’orgue étant la production d’armagnac, incontournable lorsque l’on parle de la Gascogne d’entre deux guerres. Sans y paraître Michel ZORDAN décrit des scènes champêtres, idylliques, mais bien réelles, dans lesquelles la solidarité est omniprésente. Même si ces scènes semblent aujourd’hui bien désuètes et surtout révolues, elles faisaient, il n’y a pas très longtemps, réellement partie de la vie des paysans Gascons.

Les trois titres  déjà édités : Les raisons de l’exil>>>>
                                                   L’insolence du sort>>>>
                                                    Les Prémices>>>>

 

Les prémices - Extrait chapitre 4  : mon père avait proposé aux métayers du château Tourne Pique, ainsi qu’à quelques autres voisins, d’effectuer les labours d’automne avec notre Hercule. La plupart refusèrent. Avec l’orage de grêle qui avait détruit toutes les vignes, il n’y aurait pas de vendange cette année, gagner du temps ne servait donc plus à rien.

Mais il y avait une autre raison à cela : le machinisme et le modernisme qui se profilaient inquiétaient profondément la plupart des paysans. Ils savaient au fond d’eux que ces machines modifieraient à tout jamais leur rapport avec un élément essentiel de leur vie, la terre. Avec les attelages de bœufs, de vaches, ou de chevaux, le contact avec celle qu’ils sentaient vivre, et qui les faisait vivre  depuis toujours, était presque charnel. Cette terre faisait partie de leur vie, de leur naissance jusqu’à leur mort ; ils pouvaient la toucher, lui parler, tout se passait en douceur, avec du respect… Pour leur dernier repos, c’est encore elle qui veillerait sur eux. Sans elle, ils n’étaient rien, tout partait d’elle. Le paysan cultivait et la terre procréait, pour le nourrir lui, sa famille et les bêtes qui l’aidaient dans son travail. Et puis, à la fin, leurs poussières se mêleraient aux autres poussières dans un éternel recommencement. Cet échange tacite faisait partie de leur vie, depuis la nuit des temps. C’était une simple boucle, mais une boucle qui fonctionnait parfaitement.

Avec le tracteur, ce contact n’existerait plus, la boucle serait brisée. C’était la rupture assurée, ils perdraient une part d’eux-mêmes, une part qui ne les avait jamais trahis. Avec les machines modernes, la terre ne serait plus qu’une simple matière exploitable, tout juste bonne à produire. Les roues de fer la martyriseraient, d’un geste sec les socs d’acier s’enfonceraient de force au plus profond de ses entrailles, brutalement, comme pour la souiller, avec le seul souci de l’obliger à donner toujours plus. Il n’y aurait plus de respect. Comment réagirait-elle ?

À L’Arcange et à la ferme des Bîmes, grâce à la charrue trois socs, tous les champs furent prêts en un temps record. Après quelques semaines, avec la pluie et les premiers gels, les mottes s’émietteraient, et au début du mois de novembre, les graines seraient mises en terre.

Papa n’était paysan que depuis trois ans seulement, et il  n’avait, lui, pas d’états d’âme. Son rapport avec la terre et le modernisme était plus pragmatique. Pour lui, le tracteur était un moyen d’aller plus vite, d’être plus efficace et de travailler et de se fatiguer moins. Pour moi aussi c’était une aubaine ; fini de mener les attelages de bœufs ou de vaches.

De toute façon, tôt ou tard, tous y viendraient, eux ou leur descendance. Mais le malheur qui les avait frappés fin septembre leur permettait de repousser l’échéance et d’avoir l’impression de maîtriser encore quelque temps leur destin.   

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