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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

31- Éden, Valet des cœurs

Publié par Michel Zordan

Eden, valet des Cœurs – 205 pages

Très régulièrement, le comte de Marseillan me demandait de l’accompagner à Paris. Je conduisais le coupé, et une fois sur place, j’étais libre comme l’air.   Le voyage se déroulait à peu près toujours de la même façon.   Après un bref arrêt devant la boutique d’un joaillier de la rue du faubourg Saint-Honoré, il me demandait de le conduire à son hôtel particulier de la rue Ampère.  Je disposais d’une chambre au rez-de-chaussée.  Après avoir confié les deux juments, Manon et Framboise au relais du coin de la rue, je pouvais vaquer à ma guise, jusqu’au voyage de retour, toujours prévu.  Le séjour pouvait durer, trois à quatre jours, parfois même cinq, toujours en semaine. Lorsqu’il se déplaçait dans Paris, très certainement par discrétion, ce n’était jamais avec moi, Monsieur le Comte louait un fiacre.  Nous devions de toute façon être de retour, au château de la Mésardière, à Senlis, pour l’office du dimanche que Monsieur le Comte ne manquait jamais.  Le Comte aurait pu prendre le train, mais il n’aimait pas beaucoup ce moyen de transport. Durant le voyage le comte de Marseillan ne se confiait pas trop, sur ses affaires ni sur sa vie privée d’ailleurs.  Concernant ses affaires de placements boursiers, j’avais compris qu’il fondait beaucoup d’espoir sur les mines d’uranium dans lesquelles il avait apparemment beaucoup investi. 

Orphelin, j’ai passé mon enfance chez les sœurs de l'orphelinat Saint-Vincent de Paul. J’ai quelques souvenirs de l’instant où je suis arrivé dans cet établissement, mais juste quelques brides, que je ne parviens pas à rassembler. Un couvent qui portait le même nom jouxtait et communiquait avec l’orphelinat. Dans ce couvent, aidé par les plus âgés des orphelins, les sœurs fabriquaient des bougies. Lorsque j’ai atteint l'âge de 8 ans, la mère supérieure, sœur Adélaïde a décidé que je pouvais commencer à travailler. Pas très compliqué, ni très pénible ce travail, presque un jeu. Il consistait à ranger les bougies dans de petits cartons, par ordre de grosseur et de longueur.  Très souvent, j’accompagnais sœur Germaine en dehors des murs pour effectuer les livraisons. Une carriole à quatre roues, tirée par une mule, tel était notre outil de travail. Narcisse, c’était le nom de cette mule. Un jour d’hiver, je devais avoir un peu plus de 10 ans, lors d’une livraison rue de la Pompe, un attelage fou nous a percutés. Sur le sol gelé, la pouliche attelée au cabriolet avait glissé et ni sœur Germaine, ni la conductrice n’avaient pu éviter le carambolage.  Je me souviendrais toujours de cette pauvre pouliche affolée qui ne parvenait plus à se relever.  J’ai alors sauté de la carriole, et tout naturellement, je me suis précipité. J’ai su trouver les gestes, et les mots qu’il fallait pour calmer cette pauvre bête. Assez rapidement, je parvins à la faire relever, et elle se retrouva sur ses quatre fers. J’aidais alors la jeune femme à descendre du cabriolet, et elle me remercia chaleureusement.  Je me souviendrais toujours des deux baisers qu’elle déposa sur mes joues, et de son singulier parfum, lorsqu’elle me serra très fort dans ses bras.  

Quelques semaines plus tard, à l'anniversaire de mes 11 ans, j’étais engagé chez le comte et la comtesse Eugénie de Marseillan, au château de la Mesardière, à Senlis, comme palefrenier.  Je n’en connais pas la raison et sans doute ne la connaîtrais-je jamais, mais je bénéficiais d’un statut assez particulier chez le comte de Marseillan. Alors que tous les autres employés aux écuries logeaient dans les communs, moi j’avais ma chambre dans le château. Alors que tous les autres employés trimaient dur, ce n’était pas le cas pour moi. Mon travail était principalement de débourrer les jeunes chevaux, les jeunes pouliches en particulier, et aux dires des autres, je m’y employais avec un certain talent.

https://www.kobo.com/fr/fr/ebook/eden-valet-des-curs

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