des nems sauce grabuge
Pour celles et ceux qui ne me connaissent pas, je me présente. Mes parents, Amélie et Marcel Beaumont m’ont prénommé Martial. Je suis leur seul et unique enfant et j’ai grandi au Bouscarot, une petite ferme située au sud de Saint-Jean/Automne. Petits détails supplémentaires sur ma personne : la trentaine est en ligne de mire, et au grand désespoir de maman je suis toujours célibataire. Il y a quelques mois un américain, Austin Alexander Abbott à acheter le Moulin de Saint-Jean et a décidé d’y aménager un golf, un dix-huit trous. N’ayant pas assez de surface à disposition, le texan loua, non sans mal, des terres et des bois appartenant aux paysans du bourg. Après quelques turbulences et péripéties (d’où le titre du précédent roman « Du foin sur le green ») l’affaire s’engage enfin sur le bon chemin et grâce à l’argent de mes parents je deviens l’un des actionnaires du golf. C’est sans compter sur le grain de sable, l’épouse du texan, une très belle mécanique des années 60 (milieu des années 60, pour être précis) aux chromes très bien lustrés (tableaux de bord en bois précieux revu et corrigé par un excellent praticien). Légèrement couguar Avelyn Abbott était en réalité une garce de la meilleure espèce. D’assassinats en prises d’otages, le pot au lait de Perette chute et toutes nos espérances tombent à l’eau. Bien avisé et certain de faire un bon coup, Xiong Li (traduction en français: mâle fort, grand et puissant) un chinois de Pékin rachète l’affaire (enfin la majorité des actions) un bon prix. Je dois vous préciser que dans les fameuses espérances, il y avait, pour mes parents l’assurance de recevoir régulièrement le montant de la location des terres et une part des bénéfices de l’affaire. Et pour moi, le poste de directeur du golf de Saint-Jean. J’ai bien sûr renoncé et repris mon travail chez un négociant en vin de Bordeaux. Je dois également vous préciser que j’aborde la trentaine, que je suis célibataire et que régulièrement le week-end, je retourne chez mes parents au Bouscarot. Au grand désarroi de ma maman, mes amours sont très éphémères. À l’image d’une abeille, je butine de fleurs en fleurs, parfois même venues d’horizons très lointains, sans pouvoir en choisir une.
– Alors le chinois, il te voulait quoi ?
Maman me laisse à peine le temps de descendre de ma voiture. Papa et au pré, avec Lascar et Ripp.
– Il veut racheter toutes les parts du golf en essayant de les avoir pour moins cher que gratuit.
– Je le savais, je ne l’ai vu qu’une fois ce chinois, et de loin encore, mais il n’a rien de catholique. L’américain était un peu spécial, mais au moins on pouvait discuter avec lui. Et pour les terres, il veut faire quoi ?
– Il veut renégocier la location !
– Je le savais, les chinois sont sournois, et fourbes, on ne les entend pas arriver, et lorsqu’on les voit, c’est déjà trop tard. Ils vont nous envahir et tout nous prendre. C’est pas Dieu possible, encore des ennuies que nous tombent dessus. Ton père n’est pas près de prendre sa retraite. De toute façon à la campagne, on ne prend jamais sa retraite, quand on arrête c’est qu’on est mort. Tu as décidé quoi ?
– Maman, il n’y a rien d’alarmant. Avec Abbott on ne s’est pas laissé faire. Avec Xiong Li, nous ferons la même chose. Je suis persuadé que c’est du bluff, les chinois sont aussi joueur de poker, mais il n’a pas compris qu’ici, nous jouons à la belotte, et à la pétanque. En apparence c’est peut-être moins subtil, mais plus rustique et parfois aussi plus rugueux.
– Oui mais c’est toujours des tracas. On pensait être enfin tranquille et on se retrouve encore dans les tracas. Ça n’arrêtera donc jamais. Ton père qui pensait prendre sa retraite, maintenant c’est fichu. Et en plus on refuse de prendre en compte les trimestres de son service militaire. Entre nos politiciens qui veulent faire des économies sur le dos des pauvres et les chinois, et même les russes maintenant, ça va se terminer par un malheur.