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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

29 May

Une ombre sur le Monde

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #Un auteur du Sud Ouest

une-ombre-sur-le-monde.jpgSortie le 1er mai : Une ombre sur le Monde - Auteur Michel ZORDAN - ISBN 978-2-9532863-4-2 288 pages - format 15x21- Prix public 16€ infos >>>http://www.unauteur.com/

Extrait -  Souvent le soir, en fin de semaine, nous étions quelques-uns à nous réunir au Stendhal, un café du centre ville de Montpellier, pour discuter de la situation. Très régulièrement, le professeur Roger Ducastel, surnommé « Le rouge », et ses disciples, tous de fervents et inconditionnels communistes, nous rejoignaient. Nos divergences étaient très régulièrement l’occasion de débats houleux. Dès que nous commencions, les deux camps prenaient position.  

 

– Professeur Ducastel, vous nous répétez constamment que les Soviétiques sont nos amis ! Alors comment expliquez-vous  le fait qu’ils aient signé avec Hitler un pacte de non-agression ? Ils sont où en ce moment, vos copains bolchéviques ?

 

– Sylvio Montazini, en 1938 la France et l’Angleterre ont signé avec les nazis un traité à peu près similaire, regardez où cela nous a menés ! Je vous signale quand même que c’est la France qui a déclaré la guerre à l’Allemagne et…

 

– Professeur, vos camarades soviétiques n’avaient qu’une idée : se partager l’Europe avec les nazis. C’est d’ailleurs déjà en partie fait, allez demander aux Polonais, aux Finlandais et aux Lettons ce qu’ils en pensent… Mais c’est raté, vos copains bolcheviques se sont fait avoir, les nazis voulaient juste gagner un peu de temps.

 

Nous savions que ces joutes ne nous mèneraient nulle part, mais nous prenions plaisir à débattre. Malgré nos divergences, nous étions d’accord sur un point : l’indépendance et la libération rapide de la France. Seule la façon d’y parvenir nous séparait.

 

Un autre petit groupe s’était formé, complètement à l’opposé de nos idées. Leur signe de ralliement : un foulard noir, porté autour du cou. À sa tête, Hector Puissansac, dit « le Bel Hector». Il était toujours tiré à quatre épingles, costume, cravate, petit gilet et grosse montre à gousset. Dans sa belle décapotable, avec ses cheveux noirs gominés lissés en arrière, sa fine moustache et ses chaussures blanc et noir, il avait tout l’air d’un maquereau. Ces jeunes trouvaient légitime que l’Allemagne nazie envahisse l’Europe entière et devienne un exemple pour les Français et pour tous les Européens. Au lieu d’essayer de les combattre, nous devions au contraire faire allégeance et les aider. Lorsque par pure provocation ils se mêlaient aux débats, la riposte ne se faisait pas attendre. Sans la moindre concertation, nos deux groupes s’unissaient alors pour faire front. 

 

– Alors les bolchéviques, toujours à bavasser ? Profitez en bien, ça ne durera pas. Lorsqu’Hitler en aura fini avec les juifs, on lui donnera volontiers un coup de main pour s’occuper de vous. Nous serons alors les maîtres en France. Vous serez parqués, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre. Pour procréer, on assemblera les meilleurs, comme avec les animaux. On créera une bonne race pour le travail, mais on vous gardera en cages. Ça nous fera de la main-d’œuvre pas chère pour relever le monde des classes supérieures. Il va de soi que tous les mauvais éléments seront éliminés,  et…

 

– Puissansac, même le vomi mérite plus de respect que toi. Tu devrais juste revoir un peu l’histoire de France. Jamais son peuple ne s’est laissé dicter sa volonté par des envahisseurs. Jamais. Même si leurs idées ne convergent pas toujours, ceux qui aiment vraiment la France se retrouvent toujours contre l’oppresseur. Nous sommes dans une mauvaise passe, c’est certain, mais nous reprendrons le dessus. Tu as dû entendre parler du Général de Gaulle. Ça commence toujours comme ça. Au début, juste un homme, un seul, puis ils sont des dizaines, des centaines, puis des milliers et des millions. Il faudra un an, deux, peut-être trois, mais c’est certain, vous perdrez. Tes amis nazis que nous n’aurons pas été abattus repartiront et toi et tes semblables serez jugés et pendus. Et oui, Puissansac, les traîtres, on les pend et tout le monde leur crache dessus. 

 

– C’est toi le traître, rital ! Ils vont te faire quoi nos amis fascistes lorsque nous te renverrons dans ton pays ? C’est toi et les tiens qui serez  pendus.

 

– Puissansac, mon père a déjà commencé, et il y a longtemps, à éliminer la racaille fasciste. La dernière fois qu’ils ont essayé de s’en prendre à nous, ils sont repartis avec l’un des leurs dans le coffre, le crâne éclaté. D’autres après lui ont continué à faire le ménage. En Italie comme en France, les salopards de ton espèce n’ont aucun avenir. Vos jours sont comptés, vous ne le savez pas, mais pour vous il est déjà trop tard. Même s’il faut compter longtemps, vous n’aurez nulle part où aller,  pas une terre au monde ne voudra vous cacher…

 

L’affrontement très virulent se poursuivait ainsi durant plusieurs minutes. Puis lorsque ça chauffait un peu trop Mathieu Villefranche, le patron du Stendhal s’approchait et virait, sans vraiment y mettre les formes, la bande du « Bel Hector». Petit et sec, l’homme en imposait par son assurance et Puissansac n’insistait pas, ni même aucun de sa bande. Poilu de la Grande Guerre, le sergent Mathieu Villefranche avait guerroyé durant presque deux ans dans les tranchées. Il se disait chanceux d’en être revenu sans gueule cassée, avec juste une jambe un peu plus courte que l’autre.

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