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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

22 Sep

Saint-Cirq Lapopie - Gaillard, le seigneur de Saint-Cirq

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #Littérature, #roman

Gaillard de saint-Cirq1à4Contes et légendes ?  Dans ce récit,  histoire et fiction se mêlent et s’entremêlent… Depuis le mois d’avril de cette année 1259,  la suzeraineté du Quercy, de la Gascogne et de bien d’autres provinces du Sud-ouest avait été vendue par Louis IX à Henri III, roi d’Angleterre. Cette situation ne plaisait pas aux seigneurs du Quercy qui redoutaient de voir notre pays envahie par ces mangeurs de pouding. Pas question de se prosterner devant des énergumènes qui ne savaient même pas ce qu’était une truffe. Comparant même ce diamant noir à leurs champignons élevés dans des grottes sur du crottin de cheval.  Comment le roi de France pouvait-il croire que nous allions baisser casaque devant des énergumènes se nourrissant de rôti bouilli, ignorant tout du foie gras et du confit ? Ignorant tout des grives enrobées de ventrèche et farcies de douceurs, que seuls les gastronomes du Sud-ouest savaient imaginer. Ces marauds, n’avaient rien à faire en Quercy. Qu’ils repassent la Loire et même le chenal et qu’ils s’occupent en bâfrant leurs gâteaux gélatineux. Certains seigneurs comme Déodat Barasc, jouait double jeu. Ils hommagaient quelques uns de  leur biens au comte de Toulouse, Alphonse de Poitiers, frère du Roi de France. Mais en même temps ils accueillaient et hébergeaient l’envahisseur. Déodat Barsac n’était pas le seul à regarder de près ses intérêts.  En réalité les soldats anglais stationnés ici et là, étaient plutôt des mercenaires recrutés pour la circonstance par les anglais. Ou par d’autres profiteurs pour donner éventuellement un coup de main, pour aider à convaincre les plus récalcitrants. Les anglais avaient leur entrée, et étaient même les bienvenus, pour ne pas dire plus à Cahors, haut lieu de la finance en Sud-ouest. Pour nombre des financiers de la place, il était bien plus intéressant de faire du négoce avec les anglais d’outre-manche, qu’avec la France. En se rangeant discrètement du coté des anglais,  ils obtenaient en échange des passes droits. De Cahors, les gabarres naviguaient sur le Lot. Puis sur la Garonne et la Gironde jusqu’au port de Bordeaux.  D’où étaient embarquées  les marchandises à destination de Douvres.  Fidélité, loyauté d’un coté,  intérêts de l’autre, un grand nombre choisirent rapidement leur camp. Difficile de leur jeter la pierre, puisque c’était le roi de France lui-même qui nous avait vendu aux Anglais.  Mais qui était réellement ces hauts stratèges de la finance. En 1129, quelques années après la première croisade, un ordre religieux et militaire fût créé à Jérusalem par les croisés : L’Ordre du Temple. Quelques centaines de  chevaliers du Royaume de France ayant pris part aux combats intégrèrent cet ordre.   Le but premier des Templiers,  servir d’escorte aux pèlerins chrétiens qui osaient s’aventurer en terre Saintes. Cette pratique de protéger les pèlerins existait déjà depuis quelques décennies, mais aucune organisation fiable n’était recensée avant l’an 1129.  Leur emblème, l'hexagramme, ou Sceau de Salomon,  croix rouge dont chaque extrémité est divisée en deux pointes. Un très grand nombre de pèlerins fortunés leurs confièrent leurs richesses, avant de leur confier leur vie, là-bas en Terre-Sainte. Un siècle plus tard les Templiers sont également banquiers, et ont presque partout pignon sur rue. À Cahors, comme dans la plupart des contrées du Sud-ouest, L’Ordre du Temple s’organise en Commanderie. Celle de Cahors prend son essor dès l’an 1194. Les Templiers ne sont pas les seuls à s’intéresser à la finance.  Mais ils ont un avantage sur les concurrents,  ils ont le réseau, sont bien organisés et disposent de fonds,  parfois douteux.       

 

 

Je passai une très mauvaise nuit et ne trouvai le sommeil qu’au petit matin.  C’est en passant dans l’escalier que j’entendis des bruits de lames, plus bas dans la salle d’armes. Je compris que notre père donnait des leçons à Bertrand.  Ce n’était pas la première fois. Mes grands frères, Bertrand, Arnaud et même Pons s’entrainaient même très régulièrement.  Mais cette fois revêtait une situation bien particulière.  Mon frère allait se battre au risque de se faire blesser ou même occire.  Il s’était déjà battu contre un loup,  mais cette fois c’était bien différent.  Un loup ça n’a pas d’épée, ou même d’arc, ou même de pique,  de hache ou de fléau. Un loup ça ne monte pas à cheval.  Depuis quelques mois je commençai à apprendre à lire à compter  et même à écrire. C’est le frère Emery du monastère tout proche qui venait nous faire la leçon.  Ce jour là Bertrand n’était pas avec nous, sûrement occuper à se préparer pour le grand jour.  Le soir après le repas, c’est notre mère qui m’accompagna dans ma chambre.  Elle resta près de moi plus longtemps que d’habitude caressant doucement mes cheveux et mon visage. Peut-être qu’au travers de ces caresses, c’était le visage et les cheveux de Bertrand qu’elle caressait, mais cela m’était bien égal. Demain il partirait se battre comme un grand qu’il était devenu. Je savais que maman avait de la peine et de l’angoisse. Mais elle n’en laissait rien paraître. À peine m’avait-elle quitté que je me levai pour rejoindre mon poste d’écoute dans l’escalier. Pons était déjà là. Lui aussi semblait inquiet, pourtant nous n’avions pas échangé à ce sujet. Chacun gardant notre anxiété en nous, peut-être pour ne pas plus angoisser l’autre.  Notre père et notre mère semblait maintenant seuls dans la salle d’armes.   

 

 Galhard, prend grand soin de Bertrand, il est tellement jeune. Hier encore je le berçai dans mes bras, et aujourd’hui déjà, il part se battre. Je…

 

 Ne t’inquiète pas ma mie, Bertrand est un homme maintenant.  Il sera posté sur une hauteur en amont du moulin pour faire le guet.  En cas de besoin, c’est lui qui nous avertira.  Il sait mieux que nous tous se servir de son arc, il fait des prodiges avec.  Tu sais, il a le meilleur des Lapopie,  des Cardaillac et des Gourdon réunis, rien de fâcheux ne peut lui arriver.

 

Les émotions n’étaient pas des sentiments que les Lapopie laissaient transparaître. À partir de ce soir là, je vis les choses tout  autrement.  La nuit était encore très noire lorsque je fus réveillé par des bruits de sabots dans la cour du château. C’était le départ, plus de trois lieues à parcourir pour atteindre le moulin de Cabrerets dans la vallée du Célé. J’avais entendu mon père dire qu’il fallait arriver sur les lieux avant le lever du jour.  L’attaque devant se faire avant le réveil, au moment ou le cerveau est encore embrumé.  Avant même que les trois ou quatre compagnons et le maître talmelier travaillant et dormant sur place, ne réalisent. L’idée était de dégager d’abord la roue à augets et de la fracturer. Puis à l’intérieur de faire le plus de dégâts possible. En brisant les meules inférieures et supérieures, en cassant les arbres et les couronnes. En détruisant les escaliers, les planchers. Et pourquoi s’attaquer à la charpente. Un toit qui fuit et rapidement ce sont les murs qui s’en vont.  Bref, tout faire pour empêcher le moulin de fonctionner durant plusieurs mois.  Lorsque je me levais, je ne trouvais personne dans la grande salle ou la salle d’armes. Dans les communs,  seul le vieux Landri était là. S’occupant à tourner la broche, veillant sur le pourceau farci qui se faisait rôtir. Le pauvre était sourd comme un pot, mais à ses signes, je compris.   Descendant dans la cour, je me dirigeai alors vers la chapelle.  Tout le monde était là, ma mère, Arnaud et Pons. Mais également tous nos domestiques, priant le Seigneur Tout-Puissant  pour que l’épopée du moulin de Cabrerets se passe sans trop de heurts.  À peine la porte franchie, maman me fit signe de m’agenouiller. Puis elle ordonna une prière particulière pour Bertrand mon grand frère.

 

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