Saint-Cirq Lapopie - Gaillard de Saint-Cirq
extrait : Lorsque je me réveillai, je compris que j’étais dans une grotte, mais la lumière me parvenait de façon étrange. Me déplaçant de quelques pas, je vis qu’elle venait de très, très haut, sûrement de presque cent pas, par une gigantesque ouverture. Mon impression de la veille était la bonne, j’étais vraiment dans un trou, un véritable puits dans la roche, presque rond, avec bien bleu, le ciel tout en haut. De paliers en paliers, des échelles avaient été installées pour permettre d’y descendre. La dernière était remontée, pour éviter que je puisse m’enfuir. C’est en retournant près de la paillasse que j’aperçu un morceau de pain, à même le sol : c’était là toute ma pitance ! Je ne fis pas le difficile et me jetai dessus. Il était dur, mais en quelques coups de dents, il ne restait plus rien. Je décidais alors de visiter les lieux, mais sans lumière j’étais très limité dans mes déplacements et je retournai sur mes pas.
– Eh oh ! Eh oh, il y a quelqu’un ?
À trois ou quatre reprises, je réitérai mes appels, mais aucun écho. Lorsque j’aperçu une lueur je me retournai. Semblant arriver de nulle part, un personnage apparu, torchère en main. Un bonhomme guère plus grand que moi, mais beaucoup plus trapu : un nain. Ce qui me frappa, son visage très pâle, comme s’il n’avait pas vu la lumière du jour depuis longtemps. II mima une révérence.
– Seigneur de Saint-Cirq, bienvenue dans votre nouvelle demeure.
Sous ses airs marrants, le petit bonhomme me semblait être un coquin. Accroché à sa ceinture une dague dans son fourreau. Sur lui, j’avais l’impression d’y voir une épée.
– Comment connais-tu mon nom ? Qu’allez-vous faire de moi ?
– Pose pas de questions demi-portion. Tu vas me suivre, et surtout fait bien attention ou tu poses tes pieds. Sinon, c’est direction l’enfer.
Je lui emboitai le pas, sans dévier d’un pouce. Boitant légèrement de sa jambe droite, il avançait avec un déhanchement un peu pataud, mais son agilité m’impressionnait. Ça descendait toujours, parfois sévèrement. Ici et là, dans les endroits les plus périlleux des cordes avaient été installées pour aider. Puis nous arrivâmes au bout du chemin, devant nous, une rivière, une barque.
– Tu vas tenir la torchère, à moins que tu préfères prendre les rames ?
Après un trajet qui me sembla assez long nous accostâmes dans une vaste et magnifique salle donc une grande partie formait un lac. La lueur de la torchère n’éclairant que les abords immédiats, il m’était difficile d’évaluer l’étendue de l’endroit où nous nous trouvions.
– Voilà, Monseigneur est arrivé dans ses appartements !
Ici, personne ne viendra te chercher. De toute façon c’est moi qui suis chargé de te garder. Et si tu fais le malin, j’ai ordre de t’occire.
Et le petit bonhomme de faire un signe significatif, celui de couper la gorge.
– Comment veux-tu que je m’échappe d’ici ! Si nous devons rester ensemble autant que nous sachions nos prénoms. Moi je m’appelle Gaillard et toi, tu t’appelles comment ?
– Moi c’est Altiq, mais ne crois pas que je sois un nigaud, tu n’arriveras pas à m’amadouer. Je suis petit par la taille, mais très grand par ma cruauté On m’appelle Altiq la terreur.
Je n’y croyais pas un instant, mais je fis semblant. Tout avait été aménagé pour survivre. Mais l’humidité était partout, et j’avais beaucoup de mal à croire que l’on puisse séjourner longtemps en ces lieux. Deux paillasses à même le sol, du bois pour faire du feu. Quelques ustensiles de cuisine, et même quelques provisions. En guise de sièges, deux billots de bois. Un autre plus haut, sur lequel était fixée une planche épaisse. Une impression me laissait penser que je n’étais pas le premier à être invité en ces lieux. Dans la matinée, conduit par l’homme qui m’avait descendu par les échelles, deux inconnus se présentèrent. Ils discutèrent un moment avec Altiq, puis ils s’approchèrent, me dévisageant, mais ne s’adressant pas à moi. Je ne comprenais rien à leur langage, mais mon gardien apparemment si. Leurs vêtements de bonne facture étaient très différents de ceux d’Altiq. Leurs bottes semblaient en très bon état aussi. Leur chevelure bien mise et leur barbe bien taillée. Sûrement des gens importants, mais que faisaient-ils ici ? Qui étaient-ils et d’où venaient-ils ? Était-ce eux qui avaient commandité mon enlèvement ? Puis les trois hommes s’éclipsèrent. Pour le repas de midi, ce ne fut pas un festoyer, mais je pus manger à ma faim. Dans un chaudron Altiq nous avait concocté une soupe épaisse, mélanges de légumes et même quelques morceaux de viande.
– Dis-moi demi-portion, tu sais jouer aux dés au moins ? À la rafle tu sais jouer ?
J’avais déjà vu des dés, mais je n’y avais jamais joué.
– Non, mais tu pourrais m’apprendre !
– Il nous faut un enjeu. Si tu perds, c’est toi qui feras la soupe !