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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

13 Oct

La louve de Vianne – Episode 10

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #la louve de Vianne

la louve de Vianne-2  Je ne pouvais pas refuser, je devais absolument lui prêter une fois de plus assistance. Sachant d’avance qu’il ne pourrait plus dormir tranquille, Diable s’en alla tenir compagnie à Gascogne.  

 

 

La louve de Vianne – Episode 10

 

Contes et légendes ?  Dans ce récit fiction et histoire se mêlent et s’entremêle…

       

Nous en étions encore aux travaux d’approche, lorsque  Diable revint vers nous, porteur d’un message. Il ne semblait pas très inquiet, mais nous avions de la visite. Avec regret nous interrompions nos préliminaires, tentant d’apercevoir l’intrus à la faible lueur que distillait la lune.  J’aperçus enfin ses deux yeux,  brillant dans l’obscurité. La louve, la louve nous rendait une petite visite. Elle s’approcha à moins de dix pas, voulant à tout prix se faire voir.  Je remarquai ses flancs efflanqués, la belle avait sans nul doute mis bas. Diable n’émettait pas la moindre objection, pour lui cette louve n’en était pas une.

 

–  Regardes Ermeline, c’est la louve,  la louve aperçu par Nicelle !

 

–  Comment ça  une louve ?  Mais Hermance a raconté qu’il s’agissait d’un gros chien, que la louve n’existait pas !  Mais que fait-elle là ?

 

–  Elle existe bien, mais c’est un secret. Je ne comprends pas sa présence ici. Peut-être veut-elle nous faire comprendre que maintenant elle n’est plus seule.  

 

Puis la louve se retourna, semblant déceler une présence invisible.  Diable,  calme jusque là,  se manifesta également. Sur le chemin à cent cinquante pas, on pouvait maintenant entendre plusieurs personnes s’avançant. La louve ne battit pas en retraite, bien au contraire,  elle se dissimula à l’affut derrière les murs déjà bâtis.

 

Ermeline, je crois que nous avons  d’autres visiteurs, sûrement moins chaleureux. Tu vas sortir par l’arrière et retrouver ton cheval. Après tu rentreras à Xaintrailles.

 

–  Gauthier Valdemar, tu ne vas pas te débarrasser de moi aussi facilement. Ce ne sont pas ces quelques misérables qui vont me faire peur.

Rapidement elle se saisit d’un outil de fer tout en longueur,  servant à harponner les poutres.   Les quatre hommes n’étaient plus qu’à une dizaine de pas.  Rapidement l’un d’eux entreprit d’allumer de l’étoupe en battant briquet.  Je fis signe à Ermeline de ne pas bouger.  Diable était prêt, tendu tel un arc  et n’attendait que mon signal. J’étais à peu près certain de la louve allait aussi attaquer. 

 

–  Vas-y Diable, et surtout ne les épargne pas !   

 

En un instant il fût sur l’un d’eux, devançant la louve de très peu. Pour les gredins,  surprise totale.  J’eu le temps de reconnaître Rennoul Mayeul l’un des ouvriers d’ Harpin Jacquemet,  le maçon. C’était lui que Diable avait choisi. Deux des vauriens prirent immédiatement le large, les deux autres aux prises avec Diable et la louve  n’eurent pas cette chance. Le combat était inégal. Diable habitué à se frotter à sus scrofa scrofa devait peser ses cent cinquante livres,  et la louve pas moins de cent vingt. Les bruits de lutte à sens unique s’intensifiaient. Impassibles,  légèrement en retrait, Ermeline et moi,  assistions en spectateur. La technique du fauve de Bretagne et de la louve était similaire. Lorsque leurs crocs se plantaient dans la chair,  mâchoire fermée, leur tête repartait en oscillation rapide vers l’arrière, comme pour mieux déchirer et déchiqueter. J’aurai pu arrêter la confrontation, mais je voulais que la leçon porte et marque très profondément. Je voulais qu’on sache qu’on ne s’attaque pas impunément à Gauthier Valdemar sur ses terres ou même ailleurs. Les hurlements de douleurs des deux hommes à terre devaient s’entendre très, très  loin.  Dommage,  nous étions de nuit et pas grand monde pour les écouter.  Puis les cris devinrent moins forts, plaintifs, geignards. Les deux hommes avaient leur compte. Faute d’adversaire valide,  Diable et la louve stoppèrent presque en même instant le combat.  Je m’avançais,  la louve se tourna vers moi, semblant dire : – très honoré de t’avoir servie  Gauthier Valdemar. Puis elle repartie vers le bois tout proche.

 

 

Je m’approchais des deux fripouilles, de la tête aux pieds, ils n’étaient plus que plaies.  Dommage pour eux, Manguia ne pourrait pas  les soigner, puisqu’elle était en prison.

 

–  Alors marauds,  belle surprise non ! La vie entière est faîte de surprises !  Bon je vais vous poser deux questions, mais une seule fois. Si je ne suis pas satisfait je demanderais à Diable de finir le travail.  Qui a dénoncé Manguia ?  Et qui à mis le feu à sa chaumière ?

 

Dans un rictus, Rennoul Mayeul s’efforça de répondre.   

 

 –  C’est  Eudes, un ouvrier qui travaille avec moi. Il était allé voir Manguia pour qu’elle le soigne d’une plaie à la jambe.  Il l’a vu, aidé par un homme, la sorcière à mis  un cadavre de loup sur sa  table. Puis elle  lui a ouvert la gueule, et à verser dedans une potion.  Puis le loup a ressuscité  et il a régurgité.  C’est de la sorcellerie, Eudes a prit peur et il s’est enfui.  En rentrant il a rencontré Jourdan,  ton seigneur.  Il lui a raconté l’affaire.

 

Ils avaient bien fait de venir ces garnements, maintenant je savais qui avait dénoncé Manguia à Monseigneur l’évêque.  J’aurai du me douter que c’était un coup tordu de Jourdain.

 

–  C’est parfait  Rennoul Mayeul, mais il te reste à répondre à la deuxième question.  Qui a incendié la chaumière de Manguia ?

 

–  C’est nous, nous quatre. Jourdain est venu voir mon maître, et il nous a proposé l’affaire.  Il nous a dit que c’était une sorcière et qu’elle allait être condamnée à être brulé sur le bûcher. 

 

L’homme semblait avoir de grandes difficultés à articuler.  Son complice n’était pas mieux, mais il réussit à prononcer quelques mots.

 

–  Tu va faire quoi de nous maintenant ?

 

– Je vais vous accompagner chez les frères,  à Notre-Dame de Villelongue. Ils vous soigneront. Après c’est le prévôt qui s’occupera de vous. C’est un ami, il vous réserve un traitement de faveur. Maintenant vous aller devoir marcher, sinon Gascogne vous trainera.  Au fait je ne t’ai encore jamais vu par ici, tu t’appelles comment ?

 

–  Je viens d’un petit bourg,  Saint-Pierre,  plus au Nord, passé la Garonne.  Je m’appelle Helgaud… je ne suis ici que depuis un mois.

 

Je faisais mes adieux à Ermeline.

 

–  Tu ne perds rien pour attendre Gauthier Valdemar ; je te retrouverais, mais c’est moi qui choisirais.

 

Pour les deux galapiats le retour se fit  rude, très rude même. De temps à autre, l’un d’eux trébuchait et tombait.  Puis après avoir été trainé sur quelques mètres, je stoppai Gascogne et il se relevait.  Arrivé au presbytère,  je frappai fort à la porte de derrière. Les frères Jacquemin et Pascoual, ceux-là même qui m’avait apprit à lire et à écrire, en plus de quelques autres petites choses y avaient leur logis.

 

– Ouvrez, c’est moi Gauthier, je vous amène de la vermine à soigner.

 

–  Gauthier, tu n’es point obligé de faire tout ce boucan. Mais que viens-tu faire à cette heure ?  Mais qu’est-il arrivé à ces hommes ?

 

En deux mots j’expliquai.

 

–  Je vous laisse ces deux sbires, ils ont besoin de quelques soins.   Les hommes du prévôt viendront vous en débarrasser.

 

Frère Jacquemin fît entrer les deux hommes. J’entrainais alors frère Pascoual un peu à l’écart.

 

–  Que s’est-il passé l’autre soir avec Jourdain. J’ai ouï-dire qu’il vous avait cherché querelle et même frappé !

 

–  Ce n’est rien Gauthier, Jourdain avait bu. Il nous a demandé de lui servir du vin et nous avons refusé. 

 

–  Je ne vous crois pas frère Pascoual, il s’est passé autre chose   de bien plus grave.  Je sais que c’est lui qui a fait arrêter Manguia, ses sbires ont avoués.

 

–  Gauthier tu devrais faire attention à Jourdain, c’est un retors.  Il n’a jamais accepté que tu sois le protégé de sa tante Dame Vianne. Il ne comprend pas, il a beaucoup de rancune, c’est un violent, méfie-toi de lui.

–  Ne vous en faites pas, je suis de taille à me défendre. Avec Jourdain, je sais qu’il ne me défiera jamais face à face.  Je lui mettrai trop  facilement la raclée. Aussi, jamais je ne lui tourne le dos.  Si ces hommes avouent au prévôt ce qu’ils m’ont raconté,  Jourdain, tout Jourdain qu’il est aura des problèmes. Les terres de Lasmazères ne lui appartiennent pas, et ordonner à des voyous  de mettre le feu à une chaumière sur ces dites terres est très grave.  Surtout si le propriétaire porte l’accusation. 

 

–  Gauthier, tu sais très bien que ces terres appartiennent à Dame Vianne, et cette dame ne portera pas d’accusations contre son neveu.

 

Il n’était pas encore le bon moment de révéler que le propriétaire du fief de Lasmazères c’était moi. Depuis peu, mais c’était moi.

 

–  Les choses changent frère Pascoual, les choses changent.  Personne ne sait que les deux voyous sont ici.  Je vais prévenir le prévôt, dans la journée vous en serez débarrassés.

 

J’arrivai devant la maison du prévôt de Nérac aux aurores. En train d’avaler sa soupe, le  garde de faction  m’invita à partager.

 

–  Tu peux me dire si Monseigneur l’évêque est déjà venu interroger Manguia ?

 

–  Non, mais d’après ce que j’ai compris il devrait venir passer Noël… Mais ne t’inquiète pas trop pour Manguia, elle est bien traiter. C’est pas tous les jours que nous avons une guérisseuse à disposition. Elle s’occupe bien de nous, alors nous la traitons bien.

 

–  Je te remercie, surtout ne lui rien concernant sa chaumière, je m’en chargerais plus tard.

 

Je pus rendre visite à Manguia et discuter avec elle quelques instants.  Je ne lui révélai rien, sinon que tout allait bien à Lasmazères.

 

–  Je vous baille le bonjour monsieur le prévôt.  J’ai quelques gibiers de potence pour vous. Mes chiens les ont un peu corrigés  mais, et il va falloir envoyer deux hommes les quérir chez les moines à Vilalonga. 

 

– Décidément Gauthier Valdemar, tu ne perds pas la main.  Dis-moi, ils ont fait quoi ces malandrins.

 

J’expliquai à Bertrand d’Astier toute l’affaire, n’omettant pas de mettre en cause Jourdain de l’Isle. Dès que j’eu prononcé ce nom, le prévôt me sembla plus hésitant.  

 

–  Tu sais Gauthier,  cette affaire est assez complexe, Jourdain de l’Isle est le neveu de la Dame de Mongaillard, celle-là même qui possède les terres de Lasmazères. 

 

J’hésitais à révéler à cet homme que j’étais sûrement déjà le nouveau seigneur de Lasmazères.  Je ne voulais absolument pas mettre Dame Vianne, ma bienfaitrice dans l’embarras. Il me fallait trouver une autre solution, laver se linge sale en famille ou presque.  J’obtenais du prévôt qu’il envoie des hommes prendre livraison des deux sinistrés de la faune canine.  De toute façon, lui ne prendrait aucune initiative.  Il n’interrogerait personne, et se contenterait de les enfermer dans une geôle.  Les y laissant dépérir quelques temps.  Le temps de régler cette affaire sans faire de vague. Jourdain de l’Isle était le neveu de Dame Vianne.  Mais également et depuis peu, le neveu par alliance de Monseigneur Jacques Duèze, homme d’église, appartenant à une famille très influente de Cahors.  

 

Je repris le chemin du retour  en compagnie des hommes du prévôt. Ils avaient ordre de ramener les deux voyous qui attendaient chez les moines, mais également d’arrêter les deux autres complices.  À la vue des deux gredins  entaillés sur tout le corps, les soldats comprirent que leur nuit avait été plus qu’agitée.

 

–  Gauthier, tu es certain que tes chiens,  sont bien des chiens ?   J’ai l’impression que ces hommes ont connu l’enfer.

 

–  Mes chiens se frottent régulièrement à sus scrofa scrofa, et tout au long de l’année. Ces deux fripouilles ne font pas le poids. Les blessures peuvent paraître impressionnantes, mais elles sont superficielles, enfin presque toutes.  Et puis dans leur geôle, Manguia pourra les soigner.  Un petit détail les gredins, ne dites surtout pas à Manguia  les raisons de votre arrestation, sinon j’ai idée que vous aurez droit au bouillon de minuit.

Lorsque j’arrivai au château de Montgaillard,  Jourdain de l’Isle était là, dans la cuisine, attablé en train de bâfrer.  Sans même se tourner vers moi, il commença à vomir sa bille.  

 

 – Alors Gauthier Valdemar, toujours à essayer de sauver ton amie Manguia !   Tu n’y arriveras pas l’ami, j’ai ouï-dire que passé Noël elle aura droit au bouc  des sorcières. Elle mourra lentement, très lentement. Très,  très lentement, empalée de bas en haut.  Je serai là pour assister, peut-être sera-tu aussi convié, à moins que tu ne la rejoignes en prison. Je…

 

Je ne laissai pas Jourdain terminer.  Tout seigneur qu’il était, le bouffon  termina sa phrase le nez dans l’écuelle de soupe chaude, bouillante.  Il poussa un cri de douleur, releva violement sa tête et d’un revers de main balaya la table devant lui.  Je ne lui laissai pas le temps de se lever de sa chaise.  Le harponnant par les épaules, je le faisais choir sur le dos.  Dégainant rapidement mon épée, la lame glissait sur son cou, serrant de près, créant même une estafilade. Quelques gouttes de sang apparurent, l’homme s’immobilisa.  

 

–  Jourdain de l’Isle, tu es un pourceau.  C’est toi qui a dénoncé Manguia à Monseigneur.  Et c’est encore toi  qui a payé des malandrins pour incendier sa chaumière.  Une chose que tu ignores, c’est que les coupables sont entre les mains du prévôt. Tu vas devoir t’expliquer, expliquer pourquoi tu as ordonné de brûler une chaumière qui ne t’appartient pas.

 

–  Cette chaumière est la propriété de Vianne de Gontaut-Biron, ma tante, mais plus pour très longtemps et c’est moi son héritier. Toi le  bâtard, je vais te faire arrêter.  Tu crèveras comme un gueux,  sur la roue, membres brisés l’un après l’autre. Doucement pour bien te faire souffrir, je serai là aussi pour admirer le spectacle.    

 

Asseline, la vieille servante fit irruption dans la pièce.

 

–  Gauthier, je t’en conjure ne fais pas ça, ne fait pas ça mon petit.

 

–  Ne craint rien ma brave Asseline, je vais ne vais pas l’occire. Mais c’est juste pour qu’il puisse assister à mon mariage, avec Éléonore la fille du bailli de Nérac. Et juste pour qu’il puisse apprendre certaines autres petites choses très désagréables pour lui.

 

Des deux, je ne sais qui étaient le plus surpris. Pour Asseline, je pouvais lire de la joie dans ses yeux. Pour Jourdain de la stupéfaction.  Tandis qu’il se relevait, je rengainai mon épée. S’essuyant le visage de la main, il sorti, claquant la porte.

 

–  Gauthier, c’est bien vrai ce que tu racontes ?

 

J’’expliquai alors tout de mes intentions à Asseline. Je lui parlais également de la donation de Dame Vianne, lui demandant de garder le secret.

 

–  Dieu tout-puissant, tu vas devenir le Seigneur de Lasmazères ? Ce n’est que justice, mon petit.  Mais tu habiteras où ?

 

–  J’ai déjà repéré une grande maison à Lasmazères, celle habitée par le tonnelier.  Il devra déménager, pour faire place à son nouveau seigneur.

 

 La joie était dans les yeux d’Asseline, mais j’y percevais également comme un regret.

 

–  Tu sais qui je vais choisir pour me servir. Pour me faire la cuisine, pour me soigner aux petits oignons, pour…  Enfin tu me comprends ? 

 

–  Gauthier Valdemar, je suis vieille mais je te comprends parfaitement. Flore est une femme très gentille, assurément mal assortit  avec son Gaspard de mari, mais tu vas te marier.  Ta …

 

– Asseline, mais vas-tu t’imaginer ?  C’est de toi dont-il s’agit… à moins que tu veuilles continuer à servir ce manant de Jourdain ?

 

Cette fois Asseline ne put retenir ses larmes.  Je la serrais fort dans mes bras.  Cette femme m’avait vu naître, elle aussi devait connaître le secret de ma naissance.  Mais il était hors de question pour moi de l’obliger à le révéler. Je ne l’avais d’ailleurs jamais questionné à ce sujet. Après tout je vivais très bien sans savoir.

 

– Je vais retourner à la chaumière de Manguia, les autres doivent se demander où je suis passé. Je vais te prendre un peu de garbure, une terrine de pâté, et puis ce gros pain aussi.

     

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