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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

19 Sep

rentrée littéraire 2013 - Une ombre sur le Monde

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #Un auteur du Sud Ouest

une ombre sur le mondeExtrait  - Le 19 octobre à dix heures, la sonnerie du téléphone retentit.

 

– Bonjour madame Montesquieu, j’espère que vous avez bien dormi, je ne crois pas que cela ait été le cas pour votre époux, je vais vous le passer. Vous avez deux minutes pour le convaincre, ensuite mes amis poursuivront leur ouvrage. Il lui reste deux ongles à la main droite, puis ils passeront à la gauche.

 

Mariéta parla de la Demoiselle Blanche à Julien, puis elle comprit que les bourreaux avaient repris leur sale boulot. Il lui sembla que les cris de douleurs de son mari étaient moins violents que la veille. Ensuite, le SS prit le combiné pour lui annoncer qu’il rappellerait le lendemain.

 

Cette nuit-là encore la Demoiselle Blanche vint à la rencontre de Mariéta. À son réveil et malgré la situation dramatique de Julien, la jeune femme était d’humeur plutôt sereine, presque joyeuse. Papa se demandait si sa fille ne sombrait pas dans la folie, comme l’avait fait en son temps la grand-mère d’Edmonde de Barsac, après la mort de son époux Henri de Barsac en 1803. La Dame en Blanc semblait beaucoup plus nuancée. Certes, Mariéta n’avait pas une attitude tout à fait normale, mais elle savait que la jeune femme devait trouver quelque part la force de surpasser ses terribles évènements.

 

L’horrible chantage se poursuivait maintenant depuis quatre jours. Ce jour-là, lorsque le SS Karl Vermont appela Mariéta, il lui signifia que les bourreaux allaient tout simplement couper un doigt de la main gauche de Julien.

 

Mariéta resta silencieuse une dizaine de secondes, puis d’une voix glaciale et très assurée elle lui lança la sentence.

 

– Karl Vermont, en suppliciant Julien vous avez réveillé une demoiselle qui dormait depuis très, très longtemps. Je peux vous assurer Karl Vermont que vos jours sont comptés, vous allez mourir. Vous n’avez plus que quelques heures à vivre.

 

Mariéta comprit que ses mots avaient porté, la voix de Karl Vermont n’était plus aussi sûre qu’à son habitude.

 

– Vous êtes folle, madame Montesquieu, mais ce n’est pas pour cela que nous arrêterons notre interrogatoire.

 

Comme pour se débarrasser de la malédiction qui s’abattait sur lui, le SS jeta le combiné sur le bureau. Mariéta continua de parler, en s’adressant cette fois à Julien. Et lorsque l’homme de la Gestapo lui sectionna l’auriculaire de la main gauche sa souffrance lui parut plus supportable. Ce jour-là, Karl Vermont ne reprit pas le téléphone pour annoncer le rendez-vous du lendemain, il le raccrocha brutalement. Au 32 rue des Loges, le SS Obersturmbannfüher, Karl Vermont, avait reçu des pouvoirs plus importants encore que son prédécesseur. Habitant au quatrième il avait fait installer des bureaux au deuxième, ainsi qu’au troisième étage, libres depuis l’arrestation de Julien. Le lendemain matin Mariéta se rendit au château pour répondre à l’éventuel appel des bourreaux. Le téléphone sonna, mais la voix au bout du fil n’était plus celle du SS Obersturmbannfüher, Karl Vermont.

 

– Bonjour madame Montesquieu, je suis le SS Hauptsturmführer Wilhelm Olbricht, j’étais l’assistant du SS Obersturmbannfüher, Karl Vermont.

 

Mariéta nota bien le « j’étais ».

 

– Nous tenons à vous préciser que l’interrogatoire de votre époux a pris fin. Il sera déporté en Allemagne dans les prochains jours. En ce qui concerne le SS Obersturmbannfüher, Karl Vermont, il a fait une chute malheureuse et mortelle dans l’escalier, entre le troisième et le quatrième étage. Au revoir, madame Montesquieu.

 

Petit sourire en coin, Mariéta rayonnait presque, son mari serait certes déporté, mais il aurait la vie sauve. Le bourreau Karl Vermont avait payé, la sentence avait été exécutée au niveau du troisième étage. Coïncidence ou non, cet étage avait abrité durant de longues années la folie de Geneviève Crespin, la grand-mère d’Edmonde de Barsac. C’était grâce à un tableau que Mariéta avait pu reconnaître dans les traits de cette grand-mère, la Demoiselle Blanche. Durant des mois, elle lui était apparue la nuit dans son adolescence. Mais était-ce réellement la malédiction de la Demoiselle Blanche qui s’était abattue sur cet homme ? Mariéta en était intiment persuadée.

 

– Papa, papa, j’avais raison, le bourreau est mort. Karl Vermont a fait une chute dans l’escalier du troisième, Julien va être transféré dans un camp en Allemagne. Tu vois, la Demoiselle Blanche est venue à mon secours et au secours de Julien, elle veille toujours sur moi et la famille.

 

Papa semblait septique, comme je l’avais moi-même d’ailleurs toujours été, mais après tout pourquoi pas ? Bien des mystères de l’existence restaient encore à découvrir.

 

Quarante-huit heures à peine après ce dénouement, madame Éliette reçut un mystérieux appel.

 

– Madame Clément Autun ?

 

– Oui, c’est bien moi ! Qui est à l’appareil ?

 

– J’ai un message pour Émilio, dites-lui de préparer la pièce secrète, nous avons un ami qui souhaiterait y résider quelque temps. Dites-lui de faire très vite, merci.

 

L’homme raccrocha sans donner plus de détails.

 

– C’est tout ce que cette personne vous a dit.

 

– Absolument, Émilio, il n’a pas ajouté un mot.

 

La pièce secrète de L’Arcange était en réalité une cave découverte par hasard, après que soit survenu, le 1er janvier 1931, un douloureux évènement. Celui-ci avait failli coûter la vie à Mariéta. Cette pièce recélait des mystères dévoilés au fil du temps. Mariéta était persuadée que l’élucidation de ces mystères et la rencontre avec Edmonde de Barsac étaient l’œuvre de la Demoiselle Blanche. Depuis de longues années, la Demoiselle Blanche ne s’était plus manifestée, elle avait attendu qu’un membre de la famille soit en danger pour réapparaître. Papa se mit au travail sans délai.

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