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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

19 Nov

La princesse de bronze

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #la princesse de bronze

la princesse de bronze-1Roman : la princesse de bronze - Auteur Michel ZORDAN
Episode 2 - Sa voix ajouta encore à ma surprise. Douce, harmonieuse, chaude. Style bonbon au miel, parfumé à la fleur de sel de Guérande. Un vrai délice, une véritable mélodie.

 

– Venez vite avec moi, je vais envoyer des renforts, savez-vous comment se nomment cet homme et cette femme ?

Sur un ton de voix toujours égal, la belle me répondit.

 

– Non, mais c’est elle qui m’a acheté, lui je le vois tous les jours, mais je ne connais pas leurs noms.

 

Je ne comprenais rien aux propos de la jeune fille. Elle devait sûrement délirer, il était grand temps de la sortir de là. Après avoir averti un collègue arrivant sur le palier, je la pris dans mes bras et repartis dans les escaliers. Son corps était souple comme la soie et aussi léger qu’une plume, son parfum enivrant semblait venir d’un autre monde. Jamais je n’avais transporté une victime avec autant d’aisance. Je la serrais très fort et la jeune fille ne pouvait douter plus longtemps de l’intérêt que je lui portais.

 

– Je dois vous avertir que je suis la Princesse de Bronze, la fille du roi Huitzilihuitl. Si vous voulez m’aimer je ne pourrai pas me refuser à vous, mais je devrais vous jeter un maléfice.

 

– Pardon, excusez-moi, je n’ai pas très bien compris, c’est quoi cette histoire de fille de roi et de Princesse de Bronze ?

 

Sans même hausser le ton, sans la moindre parcelle de d’agacement ou d’impatience, ou même d’émotion, la belle repris son explication. Dans cette voix, il y avait bien un soupçon de fleur de sel de Guérande qui rehaussait avec bonheur le goût de miel. Digne d’un chef étoilé.

 

– C’est très simple, je vais vous expliquer. Avant que vous ne me trouviez, je n’étais qu’une statuette de bronze. Comme je ne pouvais plus supporter de voir défiler la vie des autres sans pouvoir vivre la mienne, j’ai imploré Huitzilopochtli le dieu des Aztèques. Mais c’est sa sœur Coyolxauqui, la déesse de la lune et des ténèbres qui m’est apparue. Elle est venue me délivrer, mais elle m’a dans le même temps jeté une malédiction. Sûrement pour s’amuser de moi et se venger des hommes qui l’avait jadis sacrifié. Je n’ai pas vraiment eu le choix, c’était ça ou alors je devais rester sur ma cheminée à regarder les deux autres s’aimer. En plus la femme qui m’avait acheté lui a parlé de moi, j’ai craqué et vous en auriez sûrement fait autant à ma place. C’est vous qui m’avez choisi, et je n’ai pas le droit de me refuser à vous. Mais si vous décidez de m’aimer malgré mon avertissement je serai obligé de vous jeter un maléfice. Vous voyez c’est très simple. Ah oui, ça vous rassurera peut-être de savoir, que ce maléfice ne pourra provoquer ni la mort, ni la folie, ni même la maladie ou l’infirmité. Mais je ne peux pas vous dire la nature exacte de ce maléfice. Alors vous me gardez ?

 

J’avalai ma salive, pour une fois que je tombai sur une très belle fille, il fallait qu’elle ait un grain. Après tout ce n’était peut-être que le choc, dans quelques heures il n’y paraîtrait sûrement plus rien. Oui mais peut-être qu’à ce moment là, elle changerait d’avis.

 

Plus encore que sa beauté son ton de voix me surprit de nouveau.

 

– Alors Raphaël, vous décidez quoi ? Si vous me choisissez je devrais être fidèle, je ne pourrai en aucun cas vous quitter, c’est seulement vous qui aurez la faculté de me rejeter. Alors je repartirai jusqu’à ce qu’un autre homme me choisisse. Voilà mon ami vous savez tout !

 

– Mais comment connais-tu mon nom ?

 

– Parce qu’il est inscrit sur votre chemise, là ! Alors vous vous décidez, ou dois-je me faire choisir par un autre ?

 

– Excuses moi mais tout ça me semble irréel, tu es si belle, ta voix… je n’arrive pas à croire que tu veuille venir vivre avec moi, je…

 

– Non, non, ce n’est pas moi qui souhaite venir vivre avec vous. C’est vous qui devez me choisir, et je devrais alors vous suivre. C’est dans le pacte que j’ai conclu avec Xauqui, la déesse de la lune et des ténèbres. C’est son surnom, je ne sais pas si elle est vraiment une déesse, mais elle a quand même de grands pouvoirs et je n’ai pas eu le choix. Même si je ne devrais pas, je dois quand même vous dire que je vous trouve très mignon sous votre casque de guerrier. J’espère que ces paroles n’influenceront pas votre décision.

 

Je me disais qu’à force d’hésitation, la belle princesse de bronze allait perdre patience, elle semblait un peu piquée mais le physique rattrapait tout ça au centuple. Arrivé au bas des quatre étages, je m’assis sur les marches de l’escalier, mais je gardai la belle dans mes bras. Si un autre de mes collègues passait par là, elle était capable de lui faire la même proposition.

 

– C’est d’accord je t’amène avec toi, mais tu t’appelles comment ?

 

– Je ne sais pas, je viens de renaître après presque 6 siècles passé dans mon habit de bronze. Avant on m’appelait la fille du roi Huitzilihuitl, c’est tout. C’est mon frère Chimalpopoca, le roi de Tenochtitlan qui m’offrit comme épouse à Penamotzaloc l’un des fils d’Azalimotzilochli grand chef de l’une des tribus Tépanèques. Le problème était que Penamotzaloc n’avait que 8 ans, il ne pouvait légalement m’épouser avant ses 12 ans. Le malheureux est mort à 11, c’est pour ça que je me suis retrouvé sur une cheminée.

Je me demandais si je ne venais pas de faire une grosse bêtise. La fille du roi Huitzilihuitl semblait quand même très atteinte. Malgré moi, mon esprit ne pouvait s’empêcher de caresser la peau cuivrée de ses longues jambes, et j’en concluais qu’avec force et persuasion je pourrai peut-être la sortir de là.

 

Lorsque la voix de l’adjudant-chef Berthier me rattrapa, je sursautai.

 

Raphaël Lemer, qu’est-ce que tu fou, remontes en haut en vitesse, il y a d’autres victimes à descendre !

 

Je fus partagé entre l’idée de rester avec ma princesse de bronze et celle de remonter secourir d’autres victimes. J’étais presque certain, lorsque je redescendrai le mirage aurait disparu.

 

La fille du roi Huitzilihuitl semblait satisfaite, et de sa voix toujours aussi parfumée, elle adopta tout naturellement le tutoiement.

 

Raphaël Lemer, tu m’as choisi et je suis à toi. Je ne peux maintenant être choisie par aucun autre homme, va faire sans crainte ton travail. Tu peux même reprendre ta veste, je n’ai pas très froid.

 

– Non, non surtout pas, tu ne bouges pas, tu ne connais pas le quartier, tu pourrais te perdre. J’en termine ici et je t’amène dans ma maison, notre maison.

 

L’énergie décuplée par cette rencontre inattendue, je repris mon labeur avec la ferme intention d’en terminer au plus vite. En remontant les escaliers quatre à quatre, je pensais au nom que j’allai pouvoir lui donner. Lorsque je la présenterais à un ami ou à une connaissance, ou même à mes parents je ne pouvais pas décemment dire : c’est la fille du roi Huitzilihuitl. Elle m’avait bien dit qu’elle venait du pays Aztèques, je la baptisai Aztésia.

Arrivé sur le palier du 4° j’entrai sans hésiter dans l’appartement en flammes. À travers la fumée j’aperçu une autre femme nue complètement hébété et recroquevillée dans un coin de la pièce principale. Je me saisi d’un rideau, enveloppai son corps, la prit dans mes bras et entrepris de redescendre les marches. J’espérai de tout mon être que celle-ci ne vienne pas aussi du pays des Aztèques. Après quelques marches je fus rassuré, elle pesait bien plus lourd, et son parfum était bien moins enivrant. Lorsque j’arrivai devant l’immeuble je remis rapidement la victime dans les bras d’un infirmier et du regard je cherchai Aztésia.

 

– Chef s’il vous plait, tout à l’heure j’ai déposé une jeune fille à demi nue, enfin…Elle avait ma veste sur ses épaules… Elle était là-bas sur une marche, elle m’a dit qu’elle m’attendrait ! Dites, vous ne l’avez pas vu ?

 

L’adjudant-chef Berthier me contempla un peu perplexe. Il devait penser que ce sauvetage dans l’immeuble en flammes avait dû quelque peu m’ébranler.

 

– Écoutes petit tu as fait de l’excellent boulot, mais tu dois être fatigué. Et puis en haut, c’était pas jolie, jolie. Maintenant nous maîtrisons la situation, alors laisse-moi ton casque, rentre chez toi et prends un peu de repos.

 

C’était trop beau pour être vrai, la princesse de bronze n’avait existé que dans mon imagination. Je laissai mon regard traîner encore un peu. Puis l’âme en peine, j’allai repartir lorsque je sentis une présence derrière moi.

 

– Alors Raphaël Lemer ton travail est terminé ont peut rentrer chez nous ?

 

Mon cœur failli jaillir hors de ma poitrine. Cette voix chaude, ce mélange parfumé de miel et de fleur de sel de Guérande, c’était bien elle. Je me retournai d’un bond, ma princesse de bronze était là. Je la pris précipitamment dans mes bras et le serra très, très fort.

 

– Du calme Raphaël Lemer, tu m’as déjà choisi, je suis à toi, ce n’est plus la peine de me serrer aussi fort !

 

– Je pensais voyager dans un rêve, je ne te voyais plus et j’étais très malheureux. Maintenant je sais que tu es réelle, et je t’ai aussi trouvé un nom, j’espère qu’il te plaira.

– Vas-y dis-moi !

 

– Aztésia, c’est un nom qui te va bien, tu en penses quoi ?

 

– Oui ça ma plait bien Aztésia, c’est d’accord.

 

– Mais tu viens vraiment d’une autre époque ? Tu n’as pas de bagage, enfin des vêtements, des effets personnels. Tu es arrivé comme ça, toute nue ?

 

– Oui bien sûr, je t’ai déjà expliqué, je n’ai retrouvé mon corps de chair et de sang que ce matin. Une renaissance en quelque sorte.

 

– Aztésia, je ne suis pas sûr d’avoir tout compris, mais ça ne fait rien. Viens dans ce magasin, il faut t’habiller, ma veste est un peu juste et tu es pieds nus. On va finir par se faire remarquer.

 

La température était printanière et Aztésia ressortie habillée d’un sweet-shirt bleu pâle, d’une petite jupe très courte et d’une paire d’escarpins assortis.

Je la tenais par la main, n’arrivant toujours pas à comprendre comment elle était arrivée dans ma vie.

 

Aztésia s’intéressait à tout, cette ville n’avait rien de commun avec Tenochtitlan qui l’avait vu naître la première fois. Certes, elle avait put de sa cheminée et par le cadre d’une fenêtre admirer la Tour Effel, et une toute petite partie du Champ de Mars, mais elle renaissait après presque six siècles passés dans le néant.

 

Raphaël, sais-tu ou se trouve la cité de Tenochtitlan ?

 

– Non, mais dès que nous serons chez nous, nous pourrons retrouver cette ville sur Internet.

 

– Internet, c’est quoi Internet.

 

– C’est un grand livre qui permet de découvrir le monde entier.

 

– C’est quoi le monde entier ?

 

Je me demandai si je ne devais pas faire des recherches dans les établissements psychiatriques. Et puis non, il me fallait absolument laisser une chance à Aztésia. Je louais un petit studio, sous les toits, au 18, rue des Bergers dans le 15°. C’était lors d’une intervention dans ce même immeuble que j’avais fait la connaissance de madame Antoine. Lucia Antoine, la propriétaire. Toute heureuse de disposer d’un secouriste à demeure, ou presque, Lucia Antoine m’accorda un loyer assez avantageux. Elle habitait avec sa fille Stéphanie, le rée de chaussée. Nous la croisions dans l’escalier.

 

à suivre.....

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