Meurtre à la couette ou du foin sur le green
Et tel le poète avec des mots communs, notre assassin jonglait avec Aconit napel, frelons asiatiques, clôture électrique, vipères, tracteurs, et fosses à purins. Des mots et des choses somme toute ordinaires, cuisinés par des chefs à la recherche de l’excellence, des mets que certains avaient hélas consommés sans modération.
Extrait 10 - Ici, le ou les tueurs donnaient libre cours à l’imagination, mais point de meurtre à l’arme blanche ou au pistolet. Trop banal, trop ordinaire, pour notre campagne, les meurtriers faisaient vivre leur créativité. Ils cueillaient pour leurs méfaits ce que la nature elle-même avait créée, ou ses occupants disséminés. Et tel le poète avec des mots communs, notre assassin jonglait avec Aconit napel, frelons asiatiques, clôture électrique, vipères, tracteurs, et fosses à purins. Des mots et des choses somme toute, ordinaires, cuisinés par des chefs à la recherche de l’excellence, des mets que certains avaient hélas consommés sans modération.
Tout laissait à penser que les assassins connaissaient parfaitement la campagne. L’Aconit napel par exemple, dont des extraits avait été retrouvée dans le steak haché servit à Arlo, le chien d’Abbott. Il fallait bien connaître cette plante pour savoir qu’elle était un redoutable poison. Voici ce que Wikipédia dit à son propos : « L'Aconit napel est l'une des plantes les plus toxiques de la flore d'Europe (la plus toxique de France). L'empoisonnement par cette plante a été décrit dès 1845. Toute la plante est vénéneuse. Les molécules toxiques sont des alcaloïdes diterpéniques. L'alcaloïde principal est l'aconitine. L'aconitine entraîne la mort par paralysie des différents systèmes vitaux, elle engendre également entre autres symptômes des sueurs, une mydriase, une hypersalivation jusqu'à la mort. Il n'existe aucun antidote à cette toxine (excepté l'anthorine extraite de l'aconit anthore. On considère qu'une ingestion de 2 à 3 g de racine est suffisante pour entraîner la mort. » De quoi vous donner des sueurs froides. Et les vipères, il fallait les trouver, les capturer et les manipuler pour les introduire dans l’appartement de Francis Fourmel. Et les frelons asiatiques, pas commodes ces petites bestioles. Comment s’y étaient pris le ou les artistes pour transporter le nid entier dans la caravane de Chapiers avec tous ses occupants.
La clôture électrique, le tracteur relié à la cuve à gaz et la fosse à purin, un tueur ordinaire n’aurait pas assez d’imagination pour utiliser ces armes avec brio. Il y avait autre chose de troublant, à aucun moment le ou les tueurs n’avaient essayés de cacher leurs méfaits, en tentant de faire croire à une mort accidentelle. Pour la fosse à purin par exemple, la dalle avait été ouverte puis sommairement refermé sur la victime. Tout laissait croire que l’instigateur voulait provoquer l’effroi, la frayeur même : vous avez vu de quoi, je suis capable, faites bien attention, la prochaine victime pourrait bien être vous ! Valéry Fréjus était-il d’un capable d’un tel machiavélisme ? J’en doutais, même si avec les êtres humains, tout était possible. Ou alors, quelqu’un avait intérêt à faire peser les soupçons sur lui. J’étais persuadé de ne pas encore avoir toutes les parties du puzzle, d’autres intérêts que ceux connus par moi existaient peut-être. Seulement voilà, j’étais prévenu, devais-je prendre le risque de farfouiller, ici et là ? Des individus capables de transformer l’ordinaire que l’on peut côtoyer tous les jours à la campagne en tueurs patentés ça calme les velléités des plus déterminés. Mais devais-je seulement attendre comme maman me l’avait répété à plusieurs reprises. Devais-je attendre, que la justice découvre les coupables et les mettent hors d’état de nuire. Et Abbott était-il menacé directement, après ses chiens était-ce lui le prochain sur la liste ? Je savais le bonhomme capable se défendre, nous avions déjà discuté de la chose ensemble. A aucun moment, il ne m’avait semblé inquiet pour lui.
Pour le texan, une seule chose comptait maintenant, arriver le plus rapidement possible au bout du projet golf. Les bulldozers et autres engins travaillaient sans relâche, du matin au lever du soleil, jusqu’à à la tombée de la nuit et tous les jours de la semaine. Il faisait beau temps, c’était l’idéal pour les travaux. Tom Sheller l’architecte avait une façon bien particulière de procéder. Dès que le terrassement avec les gros engins étaient achevés sur une zone déterminée, il entreprenait immédiatement la finition, jusqu’au gazon avec l’arrosage intégré. Le green avançait par saut de puce et la clôture électrique était déplacée au même rythme (la clôture c’est pour les sangliers.) Des vigiles surveillaient le chantier 24 heures sur 24.