Meurtre à la couette ou du foin sur le green
Le sud-ouest, c’est la grande surface de l’excellence et du raffinement gustatif. La quintessence des saveurs, c’est ici et nulle part ailleurs. D’autres ont tentés de reproduire le concept, mais pas avec le même bonheur. J’en suis maintenant certain. Vous pensez encore que j’exagère, mais je peux vous l’affirmer, ici les papilles sont toujours à batifoler de gauche et de droite, jamais au repos les gourmandes. Et si vous ne me croyez pas, venez vous rendre compte par vous-même !
Extrait 8 - Je m’étonnais moi-même, pourquoi étais-je intervenu dans cette affaire ? Il devait s’agir d’une simple histoire de jalousie, rien de plus. Avec le golf et le complexe hôtelier, les envieux étaient légions. Mais non, quelque chose me disait que tout ça allait bien plus loin et que pour arriver à mes fins « prendre un peu d’argent aux riches», je devais en passer par là.
Le samedi après-midi, je tentai une sortie à la « fête paysanne » de Saint-Jean. Les parkings prévus étaient déjà pleins à craquer. Les voitures garées sur des kilomètres le long de la route, ne laissaient aucun doute, à Saint-Jean/Automne se situait un rendez-vous unique, celui des saveurs culinaires d’exceptions. Vous pensez sans doute que j’exagère, mais toutes ces voitures et tous ces gens, vous croyez qu’ils seraient venus ici, juste pour un petit marché de village ? Et dans quelques heures, dans la soirée, la situation serait pire encore. Avec les repas fermiers, elle deviendrait insupportable, enfin, pour les personnes de la campagne. Pour ceux de la ville, il n’y a pas de situation insupportable, ils finissent toujours par s’habituer à tout. Alors vous me croyez maintenant ! J’accédais enfin au marché, cette année les stands se succédaient sur plus de 3 hectares. Toute la gastronomie du Sud-ouest était là, réunie pour la grande messe et les acheteurs n’avaient pas fait défaut. Que mangeait donc tous ces gens le reste de l’année ? Pour ceux qui habitaient le Sud-ouest pas de problème, mais pour tous les autres ? Soit ils faisaient des provisions ici, soit, ils se nourrissaient comme ils le pouvaient en attendant « la fête paysanne » de Saint-Jean. Allez, je plaisante, les fast-foods et les pizzas surgelées ça existent partout dans le monde. Je m’arrêtai devant l’étal de la ferme des Grands-Chênes. La spécialité de Landro et Sylvia Azeglio, c’était « l’or noir du Sud-ouest » le pruneau d’Agen, sous toutes ses formes. Ils cultivaient plus de trente hectares de pruniers d’Ente, en assuraient la transformation et l’entière commercialisation. Depuis plus d’un an maintenant Sylvia s’était associée avec son frère Marc Prabonne pour créer un élevage de canards, qu’ils gavaient, savoir-faire ancestral oblige, à l’ancienne. Côtoyant le pruneau, sous toutes ses formes, des dizaines de boîtes de foie gras, de coups farcis, de confits, de saucissons de canards et autres spécialités. Je me laissais tenter par un toast au foie gras, puis Marc me proposa de déguster un Pacherenc de Vic-Bilh.
– Alors ce Pacherenc tu le trouves comment ? Le producteur est là-bas, un peu plus loin, mais je lui en vends quelques bouteilles avec mon foie gras. Le mariage est parfait… En voilà deux qui ne se sépareront jamais, par les temps qui courent, c’est pas commun.
Je terminai ensuite par un pruneau farci à la crème d’amandes pilées. Mes pensées étaient sûrement teintées d’un brin de chauvinisme, à peine. Mais à cet instant précis, j’en étais certain, le meilleur du meilleur était rassemblé ici à Saint-Jean et le reste de l’année, disséminé dans ce Sud-ouest béni des dieux de la gastronomie. À mon avis le Bon Dieu avait créé ce coin du monde, pour permettre aux consommateurs avertis d’y trouver le graal. La quintessence des saveurs, c’était ici et nulle part ailleurs. Le sud-ouest, c’était la grande surface de l’excellence et du raffinement gustatif. D’autres avaient tentés de reproduire le concept, mais pas avec le même bonheur. J’en étais certain, vous pensez encore que j’exagère, mais je peux vous l’affirmer, ici les papilles sont toujours à batifoler de gauche et de droite, jamais au repos les gourmandes.