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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

31 Jan

Meurtre à la couette ou du foin sur le green

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #Littérature, #roman, #Un auteur du Sud Ouest

couverture meurtreSoigner le mal par le mal, vous connaissez ? j'explique, la méthode est imparable. Imaginez qu’une guêpe vous pique, ça fait mal. Mais si juste après, vous vous donnez un grand coup de marteau sur un doigt, vous allez constater que comme par magie vous ne ressentez plus rien, ou presque de la piqure de guêpe. Sans trop le savoir j’allais appliquer la méthode avec tout le savoir faire dont j’étais capable.

 

 

Extrait 3 chapitre 1 - un américain à Saint-Jean -

- N’oublie pas une chose le nuisible,  Robert Bournac n’est que le maire de Saint-Jean, moi je suis premier adjoint et sur la balance j’accuse 0T130  et à Saint-Jean c’est moi qui pèse le plus lourd. 

 

Devant des arguments aussi efficacement servis, l’homme ne put que battre en retraite et sortir de la boutique. Il s’engouffra sans attendre dans sa vielle 405 garée sur le passage clouté et démarra un peu nerveusement.  

 

Pedigree de l’individu - Christian Chapiers 40 ans, veuf, père de deux enfants dont la garde lui avait été retiré (heureusement pour les enfants),   était un naufragé « volontaire » du système, et il en profitait dans les grandes dimensions. Quelques mois plus tôt Gaston Malvoine, veuf et paysan bio de la ferme de la Citadelle l’avait recueillit, et contre quelques journées de travail il lui offrait le gîte dans une vielle masure à quelques encablures de sa ferme et le couvert à sa propre table. Gaston l’avait même aidé à obtenir le RSA. C’est à partir de ce moment là que les choses se gâtèrent, Christian Chapiers refusa tout travail à la ferme. Gaston lui demanda alors de quitter le logement mis à sa disposition, mais l’autre refusa. Dans la mesure où il y avait eu échange, il y avait versement d’un loyer, donc  bail de location tacite.  Sûr de son bon droit, Christian Chapiers s’était fait aider par une association « Un toit pour tous » et l’affaire perdura quelques mois.  Lorsque l’avocat de l’association mis en demeure Gaston Malvoine d’effectuer des travaux dans le logement, ne trouvant pas d’autre issue,  Gaston Malvoine vendit la maison.   Les acheteurs, un couple de parisien trouvèrent eux,  très rapidement la solution pour se débarrasser de l’intrus. Depuis l’homme avait trouvé refuge dans une vielle caravane, mis à disposition par Robert Bournac le maire de Saint-Jean sur un terrain communal. L’affaire s’était faite sans l’aval du conseil municipal et les choses commençaient maintenant à s’envenimer. Christian Chapiers s’était alors adressé à la même association qui, par l’intermédiaire de son avocat  avait cette fois mis  la mairie en demeure de trouver un logement décent à l’homme. Devant la résistance de la mairie, « Un toit pour tous » avait tenté d’ameuter la presse. Quelques brefs articles étaient alors parus, mais la mayonnaise ne prenait pas et Christian Chapiers restait dans sa caravane.  Le maire ne sachant pas trop comment s’en sortir, avait semble t-il fait miroiter à Christian Chapiers un logement dans l’ancienne école, mais le conseil municipal refusait de louer. Certains conseillers avaient même suggérer de vendre le terrain sur lequel était stationné la caravane et les problèmes avec…

 

La passe d’armes chez le boulanger avait attirée le regard et l’attention des badauds. Quelques animations à Saint-Jean ça ne pouvaient pas faire de mal.  Je profitai de l’occasion pour entrer dans la boulangerie  et saluer l’artiste et la boulangère.

 

– Bonjour Odette tu va bien, je vois que ton mâle est toujours en verve.

 

– Ne m’en parles pas, je n’aurais pas du faire crédit à l’autre oiseau.  Mais il me faisait tellement pitié, j’ai pas osé lui dire non.  Tu sais,  il ne s’agit que de quelques euros, pour quelqu’un d’autre,  Olivier n’aurait rien dit. Mais quand,  tout à l’heure, il a entendu le Chapiers me demander de mettre ça sur son compte, alors que hier Patricia l’a vu à Villeneuve acheter des tickets à gratter pour au moins vingt euros,  son sang n’a fait qu’un tour.

 

  Je comprends mieux, et Patricia elle n’est pas là ?

 

 Si, si, mais le restaurant de Saint-Justin avait besoin de pain, elle va revenir bientôt.  Et toi tu va bien, tes parents t’ont dit au sujet de l’américain ?

 

   Oui, oui, ça bouge toujours à Saint-Jean, faut pas s’en plaindre !  Bon, je te laisse travailler, je vais voir ton époux, j’espère qu’il s’est calmé.

 

   

  Alors l’ancien, toujours en super forme !

 

  

  Salut Martial, je suis content de te voir !  L’autre nuisible m’a un peu énervé, mais maintenant ça va… Alors…

 

  

Après un petit quart d’heure, je quittais la boulangerie et entrai dans le café.  Tout au fond, bien au frais, la bande d’irréductible en train de faire une partie de billard, mais aucun copain parmi eux.  Je les saluai et m’accoudai au comptoir.

 

  Bonjour, monsieur,  je vous sers quoi ?

 

  Bonjour, mais vous êtes qui ? Je ne vous connais pas…

 

– Je suis Karine, la nouvelle serveuse, l’autre s’est marié la semaine dernière, je viens toutes les fins de semaines.  Vous êtes du coin, je ne vous ai jamais vu ?

 

  

  Oui, mes parents habitent le Bouscarot, moi je travaille à Bordeaux, mais je reviens à Saint-Jean très régulièrement.  J’y ai mes habitudes. Ah oui, mon prénom c’est Martial… Donnez-moi un jus de fruit SVP!

 

Pas mal faites de sa personne Karine, peut-être une occasion pour reprendre pied !   

 

  Voilà monsieur !  Martial, Martial Beaumont ça me dit quelque chose !  Ah oui, j’y suis,  l’affaire de l’année passée, quelle horreur…  Excusez-moi, mais on m’appelle en terrasse…

 

Tout en sirotant tranquillement mon jus de fruit, je tentai plusieurs approches, mais  je constatai  que Karine trouvait toujours un prétexte pour ne pas engager la conversation. C’est vrai que des choses horribles s’étaient passées et beaucoup plus encore s’étaient dites. J’y étais mêlé jusqu’au coup et même au-dessus.  Je comprenais parfaitement que cette jeune fille ne soit pas très motivée à l’idée d’entreprendre une relation même amicale avec moi.    C’était pas gagné d’avance,  je devais refaire une mise à jour dans les programmes, les miens dataient d’avant la crise. 

 

  

En arrivant devant le Bouscarot, j’aperçu un superbe 4X4 Hummer noir flambant neuf garé tout au fond de  la cour, à côté de la 206 de maman. Le contraste était saisissant.   Pourquoi son propriétaire s’était-il garé là, alors qu’il y avait partout de la place ? C’était à coup sûr pour faire état de sa supériorité…financière. Ripp et lascar attendaient tranquillement couchés devant l’entrée, je les caressais au passage et entrai.  Je trouvai Papa et maman assis dans le salon. Face à eux, un homme d’une cinquantaine d’années aux tempes grises, large Stetson visé sur la tête.  Je compris tout de suite que l’américain revenait à la charge. Maman se leva immédiatement et fit les présentations.

 

  Martial, voici monsieur Abbott,  c’est ce monsieur dont nous t’avons parlé hier soir !  Monsieur Abbott, voici mon fils Martial, nous avons parlé de votre affaire ensemble…

 

  Bonjour monsieur !

 

  Bonjour jeune homme ! 

 

Coiffé de son large chapeau l’homme s’était à peine tourné vers moi. Apparemment celui-ci était pressé de conclure  et un troisième interlocuteur ne l’arrangeait guère.  Je fis mine de quitter la pièce, mais papa me demanda de me joindre à eux.

 

– Assieds-toi petit, tu es le fils de la famille et tu as ton mot à dire.  Oui, avant que tu arrives j’expliquais à monsieur Abbott que nous nous hésitions à vendre.

 

   

L’américain parlait un bon français avec un fort accent texan. Sûrement habituer à gagner rapidement ses combats, il semblait exaspérer, il ne comprenait qu’un petit paysan français puisse se mettre en travers de ses projets.

 

  

  Ecoutez jeune homme, vous devriez mieux saisir la situation que vos parents, vous devriez leur faire comprendre qu’ils ont tout à gagner à vendre très rapidement ces petites parcelles qui n’ont aucun intérêt pour eux.   De toute façon  le projet est accepté en haut lieu, et je peux utiliser d’autres méthodes pour arriver à conclure.

 

Je pense que l’américain n’aurait jamais du  prononcer ces mots.  La réaction de papa ne se fit pas attendre.

 

– Monsieur Abbott, vos menaces ne font pas peur, jamais je ne vous vendrais ces terrains, vous m’entendez,  jamais.  Vous ferez peut-être votre  golf, mais pas sur mes terres. Je tiens à vous avertir que même enclavées, j’ai le droit de me rendre sur mes parcelles, alors vous avez tout intérêt à laisser un chemin. Je ne vous retiens pas.

 

L’homme au chapeau se leva brusquement, prononça trois à quatre mots en anglais et sortit de la maison sans même nous saluer. 

 

  Tu y a été un peu fort, mais t’a bien fait, garder un chapeau ça ne se fait pas, c’est sûrement pas un homme honnête. Alors Martial, tu en penses quoi ?

 

  Je pense comme toi, papa a eu raison, il va revenir à la charge, mais papa a eu raison. Vous connaissez quelqu’un de la SAFER ici ?

 

  Non, mais Bournac,  le maire doit connaître !

 

– Il serait peut-être bon de le contacter, l’autre énergumène va tout faire pour avoir le dernier mot. Il faut d’abord savoir si ce qu’il prétend sur son projet est vrai, il y va peut-être à l’esbroufe, les américains,  ils sont tous joueurs de poker.

 

  Tu crois qu’il va nous faire des ennuis ?

 

Papa ne me laissa pas le temps de répondre, je le sentais assez nerveux, ce n’était pas dans ses habitudes.

 

 

  Ennuis ou pas, je ne lui vendrais pas mes parcelles, elles viennent de ma famille et elles resteront dans la famille. C’est pas les américains qui vont faire la loi en France, ils nous pollue déjà bien assez avec leur produit de malheur. Je vais appelez le maire tout de suite, et il a intérêt à se bouger les fesses celui-là.  Il a été réélu, mais il n’y a pas que le village et sa rue médiévale qui compte…

 

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