Meurtre à la couette ou du foin sur le green
Soigner le mal par le mal, vous connaissez. ? j'explique, la méthode est imparable. Imaginez qu’une guêpe vous pique, ça fait mal. Mais si juste après, vous vous donnez un grand coup de marteau sur un doigt, vous allez constater que comme par magie vous ne ressentez plus rien, ou presque de la piqure de guêpe. Sans trop le savoir j’allais appliquer la méthode avec tout le savoir faire dont j’étais capable.
Extrait 2 chapitre 1 - un américain à Saint-Jean -Ce vendredi soir à mon arrivée au Bouscarot maman ne me laissa même pas le temps de descendre de voiture. Je pense qu’elle devait veiller mon arrivée.
– Tu ne devineras jamais la dernière lubie de l’américain, il est en train de se faire un golf, mais pas un miniature comme à Pastourelle ! Non, non, un vrai, un grand, un dix huit trous, à ce qu’il paraît. Il est même venu à la maison pour essayer de nous acheter les deux champs et le bois que nous avons à côté de son lac. Il nous en a même proposé un bon prix, ton père lui pas dit non, mais pas oui non plus. Qu’est-ce que tu en penses, toi ? De toute façon, on garderait les autres terres, même si on sait que tu ne prendras pas notre suite, alors tu en penses quoi ?
– Maman, je ne suis pas encore sorti de la voiture, attend un peu, nous pourrons en discuter tout à l’heure, devant l’apéro. Rien ne presse, il ne va pas le faire demain, son golf ?
– C’est vrai, mais ce golf ça ne tracasse quand même un peu, d’un côté il nous offre un bon prix, mais de l’autre, la vallée elle va devenir quoi ? Il va pas jouer tout seul à son golf, il y avoir du monde, des gens qui vont venir de la ville. Il y en a déjà assez au village. La semaine dernière pour aller au marché à Saint-Jean, il y avait un embouteillage, au moins vingt voiture, ça a duré plus de cinq minutes. Te rends-tu compte un embouteillage dans notre village ! Et si maintenant ils arrivent jusque chez nous, on ne sera plus tranquille. La vie à la campagne, ça sera comme la vie à la ville, alors autant allez habiter en ville. Mais…
– Calme-toi maman, pour le moment il n’y a pas de gens de la ville ici, nous sommes toujours à la campagne. Et puis un golf, ça n’attira jamais la foule, et les voitures seront garées au Moulin, pas au Bouscarot.
Maman se calma un peu, elle m’embrassa et me laissa caresser les chiens.
J’apportai mes affaires jusque dans le pigeonnier, mon antre. D’un bloc je me laissais aller dans le canapé. Ici j’étais bien, bien à l’abri, protégé par ces murs de belles pierres blondes de pays. Après une dizaine de minutes passées à méditer, je rejoignis maman dans la cuisine. Elle préparait des toasts aux fromages, à la saucisse et au foie gras. J’en piquais un, mais elle ne rouspéta même pas, pour elle c’était bon signe. Depuis le drame, c’était à ces petites choses que mon entourage pouvait apprécier ma progression vers ce qu’on pouvait appeler le retour en surface. Je pense qu’elle aurait bien apprécié que je lui annonce que j’avais retrouvé une copine, mais elle se gardait bien de me poser des questions.
– Met une nappe propre sur la table dehors, et prépare les verres. J’ai mis une bouteille de Pacherenc au frais, ton père ne vas pas tarder…tu peux la sortir et la mettre dans un sceau avec de la glace.
Papa arriva et sans attendre nous nous installâmes sous le tilleul. Je savais maman impatiente d’aborder le sujet du golf et c’est moi qui le premier mis les pieds dans le plat.
– Alors, maman m’a dit que tu allais te mettre au golf, avec ça et la chasse c’est elle qui sera obligée de s’occuper des bêtes !
– Tu sais petit, les américains ils se prennent toujours pour plus fort que les autres. Ils font beaucoup de vent, mais les pales de leur moulin ne tournent pas toujours dans le bon sens. Notre Austin Alexander Abbott, il n’a pas que nous à convaincre, la Yvette elle a un petit morceau de terrain en bordure du bois des Ruches. Il n’y a pas grand-chose, quelques centaines de mètres carrés, et tout est en friche, mais elle ne va pas le lâcher comme ça. Apparemment, je bien dis apparemment, Gaspard Chalut, le charpentier serait d’accord pour vendre les deux hectares qu’il possède à côté du ruisseau. Il n’y pousse que des vergnes et des ajoncs, au prix que l’autre lui en donne, c’est inespéré pour lui. Reste le champ des Pasquoalini et le pré de Jean-François Sylvestre. C’est vrai qu’il a déjà un lac sur ses terres l’américain, mais rien ne l’empêchera après de faire une retenue sur le ruisseau. Parce qu’en plein été, de l’eau il va lui en falloir pour son « green » comme il dit.
– Mais le bois des Ruches, il va en faire quoi ? Il ne va quand même pas tout arracher ?
– Il dit que non, que le « parcours » ne sera aménagé que sur les friches, les prés et les champs, mais avec ces hurluberlus je me méfie. Si son intention n’est pas de toucher au bois, pourquoi veut-il nous acheter les deux hectares qui en font partis ?
– Et la SAFER, elle en dit quoi ?
– Pour la SAFER, l’américain dit qu’ils sont d’accord, le golf ferait partit d’un plan de diversification des zones rurales !
La discussion se poursuivie durant tout le repas, vers dix heures je laissais maman et papa devant la télé et partis me coucher.
Le lendemain matin au petit déjeuner, les idées s’annonçaient déjà plus claires, papa était déjà au travail.
– Tu sais maman, j’ai bien réfléchi à la proposition de l’américain, je vais vous donner mon point de vue, après ce sera à vous de décider ! Je crois que si l’américain arrive à ses fins, la vallée telle que nous la connaissons aujourd’hui c’est terminé. Fini les champignons, fini la chasse, fini les randonnées. Vous êtes la clé de voûte, tout dépend de vous, si vous vendez, les autres vendront aussi.
– Oui, mais il va revenir à la charge, dans quatre ans ton père sera à la retraite, et la retraite des paysans c’est pas bien gros. Et avec ce que l’américain nous a promis on pourra voir venir !
– Maman, il va faire quoi papa une fois à la retraite, te regarder dans le blanc des yeux, en train de faire la cuisine et écosser les petits pois. Parce que si l’américain fait son golf, les champignons et la chasse dans le coin s’est terminée, et Jean-François, devrait le savoir. Sa meute de gascons Saintongeois, il pourra la garder au chenil toute l’année. Et en plus la fédé sera obligé de payer les dégâts des sangliers, parce que les sangliers ils auront vite compris que dans le golf on ne pourra pas les chasser. C’est vrai, vous aurez fait une affaire en vendant vos terrains, et chaque mois en recevant le relevé de la banque vous pourrez prendre beaucoup de plaisir à regarder le montant de vos économies. Parce que cet argent, vous n’y toucherez même pas, jamais vous ne dépenserez le moindre centime, vous prendrez juste un peu de plaisir à regarder le pactole grossir un peu plus chaque année. Maman, vous avez travaillé toute votre vie, chaque jour, dimanches et jours fériés quand il le fallait, et…
À cet instant que papa entra dans la cuisine.
– Tu sais Marcel, le petit, il n’est pas très chaud pour que l’on vende, il dit que si nous on vend, tous les autres suivrons. Il dit aussi qu’après, la chasse et les champignons, tout sera terminé, qu’on sera obligé de rester cloîtrer dans la maison, et… Mais c’est qui, qui arrive, je ne la connais pas cette voiture ! Ils sont deux, c’est pas l’américain, qui ça peut bien être…
Papa n’eut pas le temps de répondre aux propos de maman et nous sortîmes pour accueillir les visiteurs.
Seul l’homme qui conduisait le 4x4 ayant déjà pas mal vécu, descendit.
– Bonjour madame Beaumont, bonjour monsieur Beaumont ! Vous, vous devez être le fils, bonjour ! Je me présente, Valéry Fréjus, j’habite Montraygue dans les Landes. C’est Robert Bournac, le maire de Saint-Jean qui m’a conseillé de venir vous voir sans délais… Voilà, j’ai appris qu’un américain voulait acheter des terrains agricoles dans le coin pour aménager un golf…
Sans attendre papa invita Valéry Fréjus à rentrer dans la maison et le fit asseoir au salon. L’autre passager aux cheveux poivre et sel tondus ras, resta dans le vieux 4X4. 50 à 55 ans l’homme me fit tout de suite pensé à un militaire à la retraite. Durant plus de dix minutes Valéry Fréjus nous distilla son réquisitoire contre ces individus plein d’argent et sans trop de scrupules qui n’avaient d’après lui, d’autre but que de casser l’agriculture dans notre pays, pour faire plus d’argent encore. Pour lui, les terres qui appartenaient aux paysans, devaient rester aux paysans. Valéry Fréjus ne s’enflammait pas, il nous parlait calmement, posément, sans nous brusquer, mais en insistant lourdement sur les conséquences de l’arrivée dans les campagnes d’individus tel que l’américain.
– Je sais que beaucoup d’agriculteurs proches de la retraite, recherche une solution pour quitter leur activité en ayant les moyens de vivre décemment, après. C’est tout à fait normal, et pour certains vendre des biens à très bon prix, est très tentant. Mais, que va faire l’acheteur de ces terres, toute la question est là… Moi je peux vous proposer une solution, qui vous permettra de vivre correctement de votre retraite, tout en restant propriétaire de vos terres. Il n’y aura pas de chamboulement, les bois les champs, tout restera dans l’état. Vous pourrez continuer à pêcher, à chasser et à chercher les champignons, comme vous l’avez toujours fait…. Moi, je suis l’un des vôtres, je suis né dans une petite ferme et j’ai commencé à travailler sur cette ferme. Ensuite j’ai compris que pour continuer à exister je devais cultiver plus de terre, mais dans le respect de ceux qui voulaient continuer à vivre chez eux.
Petit à petit l’homme en vint au fait. Il nous expliqua qu’il était déjà propriétaire ou locataire de plus de 2500 hectares disséminés dans plusieurs communes du Sud-ouest et qu’il comptait bien s’implanter sur Saint-Jean. Ayant entendu parler de cet américain (concurrent) il comptait bien le contrer et l’empêcher de commettre l’irréparable.
– Vous savez, une fois que les terres sont sorties du créneau de l’agriculture, elles sont dans les mains des spéculateurs, ces gens ils sont capables de tout. Avec moi, pas de risque, je continue à les cultiver comme autrefois, avec bien sur des méthodes modernes, mais dans les respects des paysans qui veulent continuer à vivre dans leur environnement.
– Monsieur Fréjus, juste une question, à combien louez-vous l’hectare de terre ?
– Tout dépend de l’endroit, vous comprendrez que je ne puisse pour le moment m’avancer sur rien, pour la rentabilité je dois d’abord constituer un ilot d’au moins 200 hectares. Mais avec les 52 hectares que possèdent vos parents, et avec le jardin qu’ils pourront continuer à faire, je peux vous assurer qu’ils seront à leur aise. Et puis à la campagne, je sais comment ça se passe, je suis l’un des vôtres, on s’arrange, le plus important c’est de manger à sa faim. En plus on prend de l’âge, on moins mange.
– Monsieur Fréjus, je n’ai que 58 ans, avec la nouvelle loi sur les retraites, j’en ai encore pour au moins quatre ans ! Si entre temps il ne change pas encore la loi.
– Monsieur Beaumont, tout ça peut très bien s’arranger, je connais pas mal de monde, pour votre retraite on peut voir. De toute façon, pour le moment l’important pour vous est de savoir que je peux vous proposer une solution qui vous permettrait de rester propriétaire tout en empochant des dividendes. Et en plus de rester vivre chez vous. C’est pas pressé vous savez, pour moi, cette année ou l’année prochaine, ma proposition sera la même. L’important est que cet américain ne puisse pas mener à bien son projet de confiscation de terres, avec moi vous pouvez dire lui dire non sans être lésé.
L’homme était toujours aussi poli, et parlait toujours calmement, je savais que l’effet sur mes parents était bon. Il apportait surtout une deuxième solution, une solution qui leur était familière puisque papa louait déjà cinq hectares, sur le plateau. Mais et pardessus tout, ils ne se sentaient plus otage de la proposition de l’américain, et puis l’homme était de leur milieu, c’ était plus rassurant. Pour moi, louer les terres était sûrement la bonne solution, par contre deux à trois petit détails me laissaient penser que monsieur Fréjus ne présentait pas la situation avec toute l’exactitude souhaitée. Je n’en disais rien à mes parents, je devais avant tout rechercher des informations sur ce monsieur. Je savais où il habitait, en savoir plus sur lui serait sans doute assez facile.
Dans l’après-midi, je faisais un saut à Saint-Jean, il faisait un temps magnifique et la terrasse du café-restaurant de Virgile Grangveneur était pleine à craquer. Des touristes pour la plupart. C’est à l’instant où j’entrais dans l’établissement que j’entendis des éclats de voix provenant de la boutique du boulanger distante de quelques mètres seulement. Je reconnus sans difficulté la « gracieuse » voix d’Olivier Aignard, le patron. Curieux, je m’avançais vers la scène des évènements. Un Oliver en colère ça valait le détour, sauf si vous étiez au cœur de la fournaise, dans ce cas, valait mieux faire profil bas et frôler les murs. L’homme, ancien première ligne de rugby repoussait la toise à presque 2 mètres et accusait 0T130 sur la balance, de quoi réfléchir avant d’allumer la mèche.
– Quoi, te faire crédit à toi le nuisible, mais tu rêves ! Tu n’as même pas 50 centimes pour acheter une demi-baguette, mais tu as de l’argent pour jouer aux grattes morpion. Tu te fou du monde Christian Chapiers. Les gens de ton espèce sont la honte et surtout la ruine de notre société, tu es plus inutile et plus vorace encore que les tiques sur le dos des chiens. Je suis certain que quand tu te rases, tu fais un double passage dans les paumes de tes mains tellement tes poils de grand fainéant poussent vite. Tu me dois déjà 5€, et tant que tu ne les auras pas payé, pas question de te vendre du pain, et après ce sera la même chose. Je veux plus voir ta carcasse de délinquant des Assedic et du RSA réunis chez moi. Je suis content que Gaston Malvoine ait enfin put se débarrasser de toi, même s’il a du vendre sa ruine. Il a d’ailleurs fait une excellente affaire. Politiquement le Gaston, c’est pas ma tasse de thé, mais le bonhomme travaille fort, et moi ceux qui travaillent je les respecte. Et si un jour il lui manque un franc pour acheter son pain, le pain je le lui donnerais. Pour ce qui est du logement dans l’ancienne école, compte surtout pas dessus, cherche toi autre chose, dans un autre village. Réflexion faite non, je ne voudrais surtout pas envoyer la peste dans un autre village, va plutôt dans une ville, dans les villes ils dépensent sans compter et ils prennent n’importe qui, même les ratés de ton espèce ont leur chance. Je ne comprends pas pourquoi le maire t’as laissé entendre que la commune pourrait te loger, Saint-Jean c’est pas une association caritative. Tu occupes déjà illégalement une caravane sur un terrain communal, mais ça va pas durer. N’oublis pas une chose le nuisible, Robert Bournac n’est que le maire de Saint-Jean, moi je suis premier adjoint et sur la balance j’accuse 0T130 et à Saint-Jean c’est moi qui pèse le plus lourd.
Devant des arguments aussi efficacement servis, l’homme ne put que battre en retraite et sortir de la boutique. Il s’engouffra sans attendre dans sa vielle 405 garée sur le passage clouté et démarra un peu nerveusement.