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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

31 Oct

la princesse de bronze

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #Un auteur du Sud Ouest

la princesseAuteur Michel Zordan - Extrait : Je me présente,  Raphaël  Lemer, vingt-quatre ans.  J’ai l’immense honneur et privilège d’œuvrer dans la prestigieuse brigade des sapeurs-pompiers de  Paris.  Cet après-midi à seize heures quatorze précises  nous avons été appelés pour un incendie qui s’est déclaré dans un immeuble d’habitation, au 4, allée  Adrienne Lecouvreur.  À deux pas du Champ de Mars et de la Tour Eiffel.  À cet instant, j’étais très loin de me douter que cette mission serait pour moi le point de départ d’une extravagante  aventure. Et si vous regardez bien la carte au 4, allée  Adrienne Lecouvreur à Paris, vous comprendrez tout de suite qu’un mystère,  et même plus, entoure cette histoire.  Dans Google, il vous suffit de taper : carte de l’Allée  Adrienne Lecouvreur Paris 7°.  Vous allez être surpris, et pourtant….

 

Tout avait réellement commencé quelques siècles plus tôt.  Mais était-ce le hasard qui aujourd’hui faisait rebondir cette histoire dans ma vie ?

 

 

 

Dans un appartement du quatrième étage,  au 4 allée  Adrienne Lecouvreur à Paris…

 

Je suis la fille du roi Huitzilihuitl, fils d’Acamapitchtli  et petit-fils  de Culhuacan. Je suis née en 1397. Mon père devint le deuxième Tlatoani, roi-prêtre des Aztèques,  à la mort de son père en 1396.  Je vivais dans la cité de Tenochtitlan,  construite sur un îlot du lac Texcoco, à l’endroit même où l’aigle dévorait le serpent. Cette terre appartenait aux Tépanèques d’Azcapotzalco.  Ma mère était l’une des  filles de Tezozomoc, le souverain d’Azcapotzalco.  Je suis le premier enfant de  Huitzilihuitl  et de la fille de Tezozomoc. Mon frère Chimalpopoca était le favori de notre grand grand-père Tezozomoc, le souverain d’Azcapotzalco. Durant le règne de mon père Huitzilihuitl, la cité de Tenochtitlan prit un essor considérable.  Cette puissance naissante devenait une source d’inquiétude pour certaines tribus tépanèques.   À la mort de mon père, en 1415,  mon frère Chimalpopoca fut élu roi de Tenochtitlan et l’inquiétude des tribus tépanèques se transforma en  hostilité. Pour calmer leur animosité, mon frère, le roi  de Tenochtitlan, me proposa pour épouse à Penamotzaloc, l’un des fils d’Azalimotzilochli, grand chef de l’une des tribus tépanèques.   Penamotzaloc n’était alors âgé  que de huit ans,  et  ne pouvant  officiellement devenir son épouse,  je devais demeurer sa fiancée à ses côtés jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge de douze ans.  Lorsqu’il mourut à onze ans, quelques mois avant notre mariage, son père Azalimotzilochli exigea que je demeure éternellement à ses côtés. Mon corps sacrifié fut alors soumis à un rituel étrange. L’énergie dégagée par ma crémation  fut  utilisée pour créer une petite statuette de bronze servant d’urne funéraire emprisonnant mes cendres cristallisées. Cette statuette accompagna le corps du jeune Penamotzaloc dans sa dernière demeure.  Depuis ces temps immémoriaux,  mon âme et mon corps   vivent emprisonnés dans cet habit de métal.  

 

En 1985, après des siècles et des siècles,  des pilleurs de tombes  s’emparèrent de moi. Je passai alors de main en main, de marchand en marchand et d’étal en étal.  Les badauds me prenaient dans leurs mains,  certains laissaient  leurs doigts caresser les courbes de mon habit de bronze.   Puis ils me reposaient négligemment sur l’étagère comme une vulgaire marchandise.

 

Un jour la chance me sourit enfin : le regard délicat d’une jeune femme s’attarda sur les formes polies de la statuette et j’eus le sentiment que la renaissance était peut-être pour bientôt.  Je me suis ensuite retrouvée dans une grande maison. De la cheminée  sur laquelle un homme m’avait installée,  je pouvais admirer un immense édifice fait de poutres de métal et de rivets.  Lorsque les rideaux n’étaient pas fermés mes yeux s’amusaient de tous ces gens qui montaient et descendaient ou qui  marchaient  sur la grande esplanade.

 

Un après-midi où la neige recouvrait tous les toits,  les flammes commencèrent à réchauffer les pierres froides de la cheminée. C’est  alors que je sentis monter en moi  une énergie que je n’avais pas ressentie  depuis des siècles. Pendant quelques heures,  j’eus l’impression de reprendre possession de mon corps, de sentir à nouveau le sang couler dans mes veines. Puis les flammes commencèrent à baisser d’intensité  et mon âme et mon  corps retournèrent dans l’obscurité.  Durant plusieurs jours,  l’homme qui était devenu mon maître ralluma ce feu qui me redonnait un peu de vie.  Mais à chaque fois la tiédeur des flammes ne faisait  que caresser mon habit de bronze, et l’énergie dégagée n’était pas assez puissante,  pas  assez vive  pour me sortir de la torpeur de ces siècles de solitude.  De temps à autre, l’homme me prenait dans ses mains,  mais ses doigts virils  sur le métal ne faisaient qu’activer mon désir de renaître à la vie.  Petit à petit un sentiment de  frustration s’installa en moi et je commençai  à haïr ce mâle  qui semblait se jouer de moi.  Un soir enfin  la chaleur se fit beaucoup plus intense,  j’eus l’impression que mon cœur recommençait à battre et l’espoir était de nouveau là.  Mais cet espoir fut de courte durée. La jeune femme qui m’avait choisie chez le marchand fit son apparition,  elle s’approcha de moi et comme une provocation, elle m’effleura. Ensuite elle défit ses vêtements et s’allongea sur le tapis devant les flammes  qui crépitaient.  L’homme la rejoignit très rapidement  et la grande pièce, seulement éclairée par la lueur des bûches en fusion, s’emplit de soupirs et d’invites au plaisir.  Je vivais cette scène de cauchemar  dans une désespérance totale.  Lorsque le silence enveloppa de nouveau la pièce, la jeune femme se leva et me montra du doigt. 

– Regarde mon chéri,  elle a l’air en colère,  son regard  est  plus intense,  on a l’impression qu’elle vit.  

 

L’homme se leva à son tour,  me prit dans sa main et ajouta à mon supplice  en caressant  sensuellement les formes de la statuette.  Puis il me reposa  négligemment  sur la cheminée,  avant  de retrouver la jeune femme qui s’était de nouveau allongée sur le tapis.  À cet instant j’aurais préféré être de nouveau,  sacrifiée,  jetée au feu et disparaître à tout jamais.   

 

J’ai alors imploré Huitzilopochtli, le dieu des Aztèques, pour lui demander d’arrêter ce supplice. À ma grande surprise  c’est Coyolxauqui,  sa sœur,  qui m’est apparue.   

 

– Fille du roi Huitzilihuitl, je suis Coyolxauqui, la déesse de la lune et des ténèbres ;  je règne sur le peuple Aztèque.   Mais tu peux m’appeler Xauqui, c’est le diminutif que m’avait donné ma mère Coatlicue, la déesse de la Terre.  Très jeune, mon frère Huitzilopochtli  se débarrassa de moi en me décapitant et en donnant mon corps en pâture aux caïmans.  Mais mon esprit et mon âme ont survécu, et ont,  depuis ces temps immémoriaux, voyagés dans le corps de ces infâmes créatures. De ces simples faits,  je suis toujours, la déesse de la Lune et des ténèbres.  Je porte en moi les sévices de Huitzilopochtli, mon propre frère,  comme toi ceux de la tribu des Tépanèques.

 

 

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