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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

12 Dec

L'héritière du Clan Zandé

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #Un auteur du Sud Ouest

l'héritière-1erecouverture2Je n’arrivais plus à comprendre les filles,  c’était la troisième en quelques mois qui me faisait le coup. De haute lutte, nous venions de conquérir la liberté sexuelle et pourtant toutes (enfin celles qui m’intéressaient) n’avaient  qu’une idée en tête et pas celle à laquelle vous  pourriez pensez. J’étais bien trop jeune pour être présenté à leur famille, et surtout pour en fonder une.  Nous avions tout notre temps pour nous créer des obligations, et prendre des responsabilités.  À 20 ans,  on devait juste profiter de la vie.  Pourquoi cette envie insensée de reproduire aussi rapidement le schéma archaïque mis en place par nos parents et les parents de nos parents, alors que nous venions de lutter contre  avec acharnement ? Peut-être leur fallait-il encore un peu de temps pour assimiler la nouvelle donne, la liberté sexuelle ça ne se décrète pas, ça s’apprend.  Une petite parenthèse de quatorze mois, elle était là la solution, après les choses seraient certainement bien différentes.   

 

Durant 4 mois  j’effectuais ma formation d’élève officier de réserve (OER)  à l’école de Coëtquidan,  avant d’intégrer le 35ème RAP  à Tarbes.  Aspirant à la 2ème batterie,  je participais à Pau au stage qui devait faire de moi un vrai para.  Quelques semaines plus tard,  je me portais volontaire pour une mission en République Centrafricaine et j’intégrais aussitôt l’état-major de la 11ème  Division de Balma, près de Toulouse.  Prévue pour 3 mois,  cette mission n’avait à première vue rien de guerrière, elle consistait,  d’après les quelques informations que j’avais pu glaner,  à des manœuvres avec l’armée Centrafricaine.   Dix jours  plus tard notre détachement composé de 45 militaires embarquait pour Bangui, sous les ordres du commandant Ferral du 2ème REP. Le légionnaire était secondé par un ancien d’Indochine,  l’adjudant-chef Barlowski du 35° RAP. Malgré mon grade supérieur, je fus placé sous ses ordres. À part l’adjudant-chef, nous n’étions que 3 appelés du  35° RAP. Les autres soldats appartenaient au 2ème Régiment  Etranger Parachutiste (2°REP) de Calvi.  Le 1er mars 1969, nous foulions le tarmac du nouvel aéroport de Bangui-M’Poko. Il nous fallu moins de 24 heures pour nous installer presque confortablement  au camp du Kassaï, à l’Est de Bangui. Notre détachement occupait un bâtiment, un peu en retrait.  La  caserne,  commandée par le lieutenant Centrafricain Jean-Claude Mandaba, datait de l’époque coloniale. 

 

Ancienne colonie française d’Afrique centrale,  l’Oubangui-Chari,  devint la République Centrafricaine le 1er décembre 1958.  Elle  proclama son indépendance le 13 août 1960. Les Français colonisèrent la région à la fin du XIXe siècle et l'administrèrent  jusqu’au milieu du 20ème siècle. Durant la Seconde Guerre mondiale, la colonie se joignit aux Forces alliées. En 1969, le pays était dirigé par le président Jean-Bedel Bokassa.

Officiellement, nous étions ici dans le cadre d’accords militaires conclus de longue date, mais je ne savais toujours pas en quoi notre mission consistait. Nous occupions notre temps à faire du sport, sans jamais nous mêler aux soldats centrafricains,  même pour les repas.  Cinq jours après notre arrivée, je fus convoqué par le commandant Ferral.   

 

–  Aspirant Pradère, d’après votre dossier vous êtes étudiant en histoire-géo !  Vous avez terminé votre deuxième année avec de très bons résultats.  Je ne parle pas des examens, l’année dernière tous les étudiants ont réussis leurs examens.  Je ne sais pas ce qui a motivé votre choix d’arrêter vos études, mais en venant vers nous, vous avez fait le bon choix. Peut-être l’argent des contribuables n’aura-t-il  pas été  dépensé en vain !   J’ai été contacté par Annette Braval,  la principale du collège PIE XII. Cet établissement ne reçoit que des élèves féminins, il est situé tout près d’ici, route de Ouango.  La mère supérieure m’a fait part de sa grande difficulté à recruter des enseignants  français.  Je sais que vous n’êtes pas professeur,  mais la première qualité d’un soldat n’était-elle pas de s’adapter à la situation ?  Il ne vous a fallut que quatre mois pour devenir officier, alors deux années à étudier l’histoire-géo c’est sûrement bien suffisant pour dispenser votre savoir  à des jeunes filles de 15 à 17 ans. Et puis,  la France a tout intérêt à favoriser l’enseignement de notre langue et de notre culture dans ses anciennes colonies, il en va de notre suprématie dans la région. 

 

J’étais assez surpris par la proposition du comandant Ferral, il ne me proposait pas de faire la guerre, mais de jouer les maîtres d’école. Après tout pourquoi pas, c’était bien mon idée de départ de devenir professeur.

 

– Alors, Pradère, vous décidez quoi ? 

 

–  Je suis à vos ordres mon commandant, je commence quand ?

 

  Bravo, je savais que je pouvais compter sur vous. Demain matin vous avez rendez-vous à 7 heures avec la principale du collège.  Vous prendrez position devant les élèves dès 8 heures.  Ne me décevez pas Pradère !  La mère supérieure est une femme admirable, mais elle a quelques griefs envers les militaires, ici la situation n’a  pas toujours été très claires. Vous allez lui prouver qu’un soldat sait aussi faire autre chose que la guerre. 

 

Pendant trois à quatre minutes le commandant Ferral  m’informa de certaines choses. Je serais exempté de service tout le temps que durerait ma mission  au lycée.  Chaque matin un chauffeur m’accompagnerait en jeep et  il viendrait me récupérer le soir après les cours.  Dès sept heures le 4 mars, le 1ère classe Victor Marmont, mon chauffeur me déposait devant le lycée Pie XII dans le 7 ème arrondissement de Bangui. 

 

La sœur Annette Braval était une femme assez fluette, d’une cinquantaine d’années. Elle me reçut dans son bureau, son ton était à la fois chaleureux, et très ferme. L’énergie qui émergeait de cette femme  ne correspondait pas vraiment à son physique. En quelques minutes elle m’expliqua la situation. Construit au bord de l’Oubangui, l’établissement catholique PIE XII était exclusivement féminin. Il avait été créé par les Sœurs Missionnaires du Saint-Esprit, les  Spiritaines,  en Octobre 1957.

 

  Aujourd’hui,  même si notre école prépare depuis plusieurs années déjà nos élèves pour le deuxième cycle,  nous ne sommes encore qu’un collège.   Ici, en Afrique, tout va très lentement, et c’est très bien comme ça d’ailleurs. Je pense que notre établissement sera rebaptisé Lycée dès l’année prochaine.  Mais l’essentiel n’est pas là, je dois proposer à nos élèves des cours de qualité et c’est pour cela que j’ai sollicité notre ambassadeur à plusieurs reprises.  C’est lui qui  m’a mise en contact avec votre commandant. J’ai parcouru votre dossier, pour moi deux années d’université en histoire-géo c’est inespéré.  L’actuel professeur, Sœur Béatrice  s’occupe de quatre classes, elle est présente en cours plus de 40 heures par semaine. Je dois quand même vous préciser que ça ne m’enchante guère de faire appel à un homme pour ce travail, jeune et pas mal fait de sa personne de surcroit.  Mais je n’ai pas le choix.    Vous allez avoir comme élèves des jeunes filles de 12 à 18 ans, vous en avez tout juste 20,  vous me comprenez donc ! Aussi, je vous demanderais d’être très strict dans vos attitudes, aucune ambigüité ne vous sera permise. Je souhaiterais que vous commenciez aujourd’hui même.  Avez-vous déjà préparé quelque chose ?  Même si ça n’entre pas dans le programme, ce n’est pas très important, l’essentiel c’est de comprendre comment les choses se passent ici. 

 

J’avais effectivement préparé un cours,  la naissance de la ville de Bangui, à partir de la découverte de l’Oubangui par le capitaine Hansen en 1884.

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