Chocolatine Vs pain au chocolat
Un assassin est très rarement programmé pour devenir multirécidiviste. La première victime, la deuxième même, sont très souvent le fruit dramatique d’un accident, d’une maladresse, d’une panique, d’une perte de contrôle passagère dans une situation pas commune. L’arme du crime est très souvent une arme par destination, couteau, marteau, hache, ou tout autre objet qui peut tuer. On frappe, on tire, par réflexe, sans trop se rendre compte, et on se retrouve dans l’habit de l’assassin. Pour les victimes suivantes, ce n’est plus du tout la même chose, elles sont la plupart du temps, des solutions, et lorsqu’il le faut, on n’hésite plus.
Vendredi 17 avril 2020, nous sommes en plein confinement, la France entière est au point mort. Le Musée des Saveurs de Saint-Jean, et sa boutique sont bien sûr fermés, et moi, qui en suis le directeur, je fainéante à la maison. La maison, c’est la ferme du Bouscarot, la ferme de mes parents, les Beaumont. Amélie ma maman, et Marcel, mon papa. Il y a quelques mois encore, mes parents étaient paysans éleveurs. Ils trimaient dur pour pas grand-chose et un jour, la retraite a sonné. Retraite est un bien grand mot, disons plutôt qu’ils ont changé leur fusil d’épaule. Aujourd’hui, ils travaillent presque autant, mais différemment, et ils gagnent enfin de l’argent, et pas mal d’argent. Les paysans ne gagnent rien, ou presque, c’est bien connu, mais certains arrivent quand même à faire des économies, et mes parents étaient de ceux-là. Il faut bien le reconnaître, qu’à part le sel, et le poivre, ils n’ont jamais acheté grand-chose mes parents.
Bref, ce vendredi 17 avril, vers 15 heures, confinement oblige, je suis dans la campagne à la recherche de tricholome de la Saint-Georges. Pour les initiés, à la recherche de mousserons. En omelette, ce champignon, c’est le top de top, il n’a pas son égal. Je sais pas mal de mousserères, mais cette année, il n’y a pas grand-chose. Peut-être l’effet coronavirus. Pour passer le plus inaperçu possible, je suis seul, Lascar, le berger de Brie, et Ripp le vieux griffon korthal ne m’accompagnent pas. Je décide de tenter ma chance du côté de la Boisserie, sur les terres d’Élise Grandpierre. Élise Grandpierre, surnommée par certains méchants, le pain au chocolat, est un écolo parachuté, pur jus. Elle est arrivée de Paris, il y a quelques mois, et elle ne veut voir personne sur ces terres. Et surtout pas des chercheurs de champignons, et encore moins des chasseurs. En limite de commune, avec sa maison héritée d’un grand-oncle et d’une grande tante, cette femme possède, une quinzaine d’hectares, peut-être un peu plus, de friches, de bois, de taillis. Parmi ces friches, en bordure de haies, je sais quelques ronds de sorcières, mais je dois y parvenir sans me faire repérer.
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