L'héritière aux deux royaumes
Je tenais dans les mains cette relique venue d’un autre siècle. Un modeste et aujourd’hui bien inoffensif fusil de guerre à silex. Sûrement une fabrication anglaise du milieu du XVIIIe. Durant presque quarante ans, d’affectation en affectation, elle me suivait, jamais je n’avais pu m’en séparer. À Plusieurs reprises, j’aurais pu la céder à un prix intéressant, mais quelque chose de fort, de très fort même, m’en avait dissuadé. Notre histoire ensemble allait pourtant se terminer. Encore un clic ou deux et ce valeureux bout de ferraille se retrouverait sur le site de vente aux enchères.
L'héritière aux deux royaumes
ISBN 978-2-9532863-8-0 - 226 pages

Extrait : – William, tu pourrais tomber amoureux d’une fille à la peau noire ?
Mona avait décidément de la suite dans les idées et le chic pour me surprendre. Ce n’était pas vraiment le lieu, ni le moment de parler de ça, mais je répondis.
– Mona, l’amour n’avertit pas, ça arrive comme ça. Ça vous tombe dessus, sans trop savoir ni pourquoi, ni comment, sans se préoccuper de la couleur de peau. L’amour est une alchimie imprévisible que personne n’a jamais réussi à décrypter. L’amour va au-delà des conditions et des raisons, l’amour c’est ce qu’il y a de plus juste sur cette terre. Mais tu m’avais déjà posé cette question, est-ce si important pour toi de savoir ?
Mona ne répondit pas, mais son visage s’éclaira plus encore. Après quelques kilomètres, elle remit ça.
– William, le jour de notre départ tu m’as embrassée, le lendemain aussi, et depuis plus rien. Je ne te plais plus ?
Je venais juste de réaliser que Mona et moi avions abandonné, sans même nous en rendre compte, le « vous » pour le « tu ».
– Mona, tu me plais toujours autant, je crois juste que la situation ambiante ne s’y prête pas.
Enclavée dans le fond d’une petite gorge, la piste devenait de nouveau très difficile. J’avais l’impression que toute l’eau du monde était passée par ici. Devant nous, un trou de presque un mètre profondeur. Je roulai au pas, le second pont engagé, je pus franchir l’obstacle, mais j’hésitai à poursuivre. La chaleur était torride, à peine supportable, pourtant Mona ne se plaignait pas. Mon chapeau de brousse tenait plus d’une serpillière que d’un chapeau. Je le mis à sécher à l’arrière de la jeep et coiffai une casquette.
– Mona, tu vas rester ici, avec la jeep, moi je vais faire une petite reconnaissance à pied.
Moins d’un quart d’heure plus tard j’étais de retour.
– Alors, comment est-ce plus loin ?
– Nous avons encore trois à quatre cents mètres un peu compliqués, mais ça ira. Après, nous pourrons remonter sur le côté et partir à travers la savane. Nous allons naviguer à la boussole.
Il faisait chaud, très chaud. Mona retira son foulard et s’approcha de moi. Son visage me semblait encore plus lumineux, son grain de peau encore plus exceptionnel.
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