Gaspard

À quoi tu penses Gaspard ? À rien maman ! Heureusement, j’avais de la mémoire et je comprenais assez vite.
Mon père, qui avait sans doute déjà compris que je ne suivrais pas leurs traces, et qui sans doute s’inquiétaient déjà un peu, me posait assez souvent la question : Gaspard que veux-tu faire plus tard ? Ma réponse était invariablement la même : je ne sais pas, papa ! Je savais par contre que ma mère s'inquiétait, elle aussi, mais je ne me rappelle pas qu’elle m’ait posé la question. Mes grands-parents non plus d’ailleurs. Ma famille avançait dans la vie avec méthode, de façon ordonnée et prudente, et il est évident que mon comportement ne devait pas véritablement les rassurer.
Tous mes proches ont compris que le métier ou la plutôt la façon que je choisirais pour gagner ma vie, ne serait pas des plus conventionnels. Je suis fils unique, et leurs questions sont très certainement, que va-t-il devenir ? Que va-t-il faire de sa vie ? Aurons-nous des petits-enfants, ou arrières petits-enfants ? Créera-t-il une famille ? Sera-t-il capable de subvenir à ses élémentaires besoins !
Quelques séances chez un psychologue, et le consensus familial s’établit. Il n’est pas malade, il n’est pas idiot, et même plutôt intelligent, laissons-le vivre sa vie, laissons-le trouver son chemin.
La situation évolue soudainement après mon brevet des collèges, que j'obtiens sans trop de difficulté, mais sans trop d’effort, juste la moyenne. C’est le lendemain de ma rentrée au lycée Jean Moulin de Toulouse que je la repère. Contrairement à mes habitudes, je vais vers elle. Elle est belle, très belle, elle s’appelle Nina. Plus âgée que moi de trois années, mais moi je fais plus âgé que mon âge, alors… Je crois que Nina a redoublé sa seconde… et peut-être même quelques autres classes au collège. Mais ça, c’est plutôt un bon point pour moi. J’ai l’air de lui plaire aussi, et très naturellement elle me demande de l’aider dans ses cours. Très certainement un stratagème pour se retrouver seule avec moi. Enfin, c’est ce que je me plais à penser et à croire. Durant quelques semaines, je plane. Nous n’avons échangé que quelques petits bisous, mais je me fais mon cinéma, sur grand écran et en 3D. Je ne suis plus le même. Chaque fois que je la vois, chaque fois que j’entends sa voix, mon cœur s’emballe. Chaque fois que je suis seul avec elle, la plupart du temps, pour l’aider dans ses cours, je suis sur un nuage. Je pense toujours à elle, je suis donc très certainement amoureux, mais je n’en laisse rien paraître.
Samedi, Hugo, un terminale, il doit avoir l’âge de Nina, fête son anniversaire. Ses parents lui laissent la villa, tout le WE. Nina sera bien sûr de la partie, alors je dois trouver le moyen de me faire inviter. Peut-être, qu’après deux ou trois verres, je trouverais le courage de lui avouer. Peut-être même oserais-je quelques…