La petite grenouille qui rigolait
Fred ouvre, j’entre et il referme derrière moi. Elle est là, devant moi, dans une robe fuchsia au tissu léger, presque transparente, assez ample, qui lui descend très haut sur les cuisses. Ça fait plus d’un mois que je n’ai pas touché une femme, elle n’avait pas besoin de cet artifice. J’ai tout à coup un doute, pourquoi s’est-elle habillée de cette façon : parce qu’elle savait ? Ou par pur hasard ? Mais qui aurait pu l’avertir que j’avais réservé une suite maritale pour sa prochaine visite ?
– Bonjour Nelly, tu es très belle. Mais belle, ce n’est pas assez, tu es splendide, magnifique. Encore plus magnifique que ce qu’il était possible de t’imaginer dans mes rêves…
– Bonjour Bruno, je…
Elle ne poursuit pas, et se tourne pour apparaître légèrement de profil. Puis à l’image du rideau qui se lève au théâtre, sa robe se retrouve au sol, la dévoilant en tenue d’Ève. Elle ne porte aucun sous-vêtement, comme a-t-elle pu préméditer notre entrevue ? Elle a de très longues jambes, parfaitement galbé, des seins en forme de poire, un ventre plat, des hanches de rêve, des cuisses… Et ses cheveux, d’un blond… Et ce cul… Elle est belle la garce, j’avais presque oublié qu’elle était aussi belle. J’ai tellement envie d’elle. Dans la seconde, je suis sur elle, la prenant virilement dans mes bras. Elle sursaute, et nous basculons sur le lit. Sa peau est douce, parfumée, enivrante. Son souffle est court et son cœur bat de plus en plus vite. Je prends sa bouche, son cou, ses seins… mes mains… Je ne sais plus trop ce que mes mains font, elles sont de toute façon hors de contrôle.
Nos deux corps sans voile se tournent et se retournent comme pour mieux se donner et mieux prendre. C’est viril, enflammé, mais tendre… Durant cet échange, seules nos chairs existent, la raison n’a plus cours. Nous sommes esclaves, prisonniers d’un désordre créé par une alchimie non maîtrisable. Nous avons perdu tout contrôle, nos âmes œuvrent libres, dans une dimension inconnue, inaccessible dans un état normal. Nos gestes, nos attitudes, sont guidés par des sens charnels que seule la passion menée à son paroxysme peut atteindre. Ce mariage de peaux jeunes et moins jeunes peut sembler utopique, improbable, pourtant cet acte est somme toute ordinaire, flottant comme l’emblème des mystères de l’amour. Je veux posséder, prendre ce corps fascinant avec une volonté que je n’arrive plus à dompter, une volonté qui me domine.
Je suis maintenant persuadé d’avoir atteint des sommets inaccessibles et presque convaincu de ne jamais pouvoir reproduire ces instants. Je suis heureux, mais je ne peux m’empêcher d’avoir une petite pensée pour Éléonore, et je suis un peu triste. Un peu triste, parce qu’Éléonore, c’était encore autre chose, une autre dimension, une dimension plus… plus sauvage, presque bestiale, plus… que je ne pourrais plus jamais atteindre.
– Tu es à moi Bruno, je t’appartiens et tu m’appartiens, personne ne nous séparera jamais. Jamais je ne laisserais une autre femme te prendre à moi ! L’homme de ma vie, c’est toi. Je ne te ferais plus souffrir, je ne m’amuserais plus de toi, je te le jure. Dis-moi que tu m’aimes Bruno, dis le moi !