les trois faces du miroir
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Extrait : Je pense dire que j’accepte, mais les derniers mots que je viens d'entendre me font l’effet d’un second coup de massue. Ce n’est plus seulement de la colère, mais la haine qui est train de s’emparer de moi. C’est terrible la haine, parce qu’il n’y a qu’un moyen pour la guérir, c’est de l’assouvir. Les salauds qui ont fait ça, qui sont-ils ? Et pourquoi Estelle…ou alors ? Ce n’est pas le bon moment pour penser. Je dois me comporter comme le hérisson. Une fois de plus mon cerveau coupe net l’alimentation et je me recroqueville. Lorsque mon installation se reconnecte, je suis allongé dans une cellule. Dehors la nuit est tombée, mais je ne sais pas l’heure. Les horreurs que j’ai entendues hantent toujours plus mon âme et je voudrais être mort. Je suis vraiment désespéré, jamais je n’ai atteint un tel niveau de désespérance. Je suis là dans du hors-norme, j’ai atteint des limites alors que j’étais jusqu’à présent persuadé qu’il n’y avait pas limites. Qu’en les atteignant elles s’éloigneraient, toujours et toujours, mais j’avais tort. Et puis, des images puisées dans les souvenirs de mon enfance ressurgissent. Comme dans un rêve, je me revois accompagnant grand-mère Jeanne. C’est au printemps, nous avons cueilli des fleurs sauvages, c’est moi qui tiens le bouquet. Elle ouvre la porte de la petite chapelle, entre et fait le signe de croix. Je ne sais pas encore trop ce qu’il signifie, mais je l’imite, sans doute même le fais-je à l’envers. Grand-mère Jeanne me sourit, et me demande de changer l’eau du vase qui se situe au pied de la statue de la Vierge Marie tenant dans ses bras l’Enfant Jésus. Puis d’y mettre les fleurs fraîches et de réinstaller le tout au même endroit. À cet instant précis j’ai l’impression qu’un halot de lumière très intense éclaire la Vierge Marie. Je n’ai jamais été un fervent catholique. Les églises, je ne les fréquente que pour les baptêmes, les mariages et les enterrements. Alors pourquoi ces images reviennent-elles vers moi ?
Puis la haine qui s’était endormie avec moi, se réveille, plus forte encore, elle me tord les boyaux. Je sais maintenant qu’elle ne me quittera plus jusqu’à l’assouvissement.