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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

12 Mar

l'héritière aux deux royaumes

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #Un auteur du Sud Ouest, #rentrée littéraire, #roman, #Littérature, #Littérature BD & Poésie, #Loisirs&Culture, #livres d'occasion

l'héritière aux deux royaumes
l'héritière aux deux royaumes

Extrait : – Mais tes parents, ton père, ta mère : tu es fils unique et tu leur ramènes une fille noire ! Tes enfants, ils seront sûrement foncés de peau, peut-être même vraiment noirs.

– Mona, à l’origine, tous les habitants de notre planète étaient noirs, ce n’est qu’après, lors de leur migration, que les peaux sont devenues ce qu’elles sont aujourd’hui. Tu sais mes parents, ils t’accepteront parce que je t’aime, ce n’est pas plus compliqué que ça. Mais tes parents, accepteront-ils que leur fille épouse un blanc et qu’elle parte avec lui en France ?

Mona hésita deux à trois secondes avant de répondre, elle ne s’était sans doute pas posé cette question.

– Bien sûr que oui, j’en suis certaine et ils seront même très fiers. Nous pourrons venir les voir, une fois pas an ou même tous les deux ans. Mais pour tes parents, tu es sûr ?

– Mona, tu es une princesse, ton grand-père paternel le chef Bandia Poualomo, règne sur le Royaume de Bangassou. Et ton grand-père maternel, Avungara, est le chef du royaume de Rafaï. Il n’y a pas en France de parents qui refuseraient que leur fils épouse une princesse.

Mona s’approcha, sourire aux lèvres.

– Tu sais très bien que ces royaumes font partie du passé. Aujourd’hui, ils n’existent que dans l’imagination collective, même si pour certains, l’appartenance à ces royaumes est toujours très importante.

Ma princesse se rapprocha encore plus près, et s’empara de ma bouche. D’abord délicatement, comme pour échauffer nos sens, puis plus ardemment comme pour donner à cette flamme qui désormais nous unissait l’énergie de croire au bonheur futur. Nous savions tous les deux que cette flamme serait difficile à soutenir, que rapidement des obstacles apparaitraient et que notre amour devrait dépasser les limites, des limites. Une fois encore l’ivresse me gagna, la raison quitta mon être qui n’agissait que poussé par le désir. J’avais faim de Mona, faim de sa bouche, de ses seins, de son ventre, de ses cuisses, de ses jambes, faim de son amour. C’est lorsque j’entendis notre café déborder, détournant la tête, que je les aperçus. Juste là, à côté, ils étaient trois, de cinq ou six ans, un peu surpris de voir un soldat blanc embrasser une none noire. Mona et moi levâmes la tête et les trois gamins déguerpirent, courant et piaillant dans les herbes hautes. Ils venaient sûrement du village de Pia Bogou situé dans une zone de paille, à l’orée de la savane arborée. Le vent soufflait plus fort qu’à notre arrivée. Puis, tout au fond, dans les arbres, des cris d’oiseaux effarouchés se firent entendre. Les singes aussi montraient des signes d’inquiétude. Puis des perroquets, des pigeons, des tourterelles passèrent au-dessus de nous. D’abord esseulés, puis par bandes. De notre promontoire et malgré les hautes herbes, la vue était assez dégagée. Quelques dizaines de mètres plus loin, traversant une clairière, des phacochères semblaient fuir, mais aussi des cobs, des ourébis et même des hyènes. Puis l’odeur poussée par le vent nous parvint : la savane était en feu. Les flammes n’étaient pas encore là, sûrement très loin encore de l’autre côté de la colline qui nous faisait face.

– Mona, je crois que pour le café, on devra attendre un peu. Il nous faut faire demi-tour, nous allons repartir vers le nord.

À peine avais-je terminé ma phrase qu’un bruit sourd se fit entendre, venant dans notre direction, dans les pailles à seulement quelques mètres. Instinctivement j’attrapai Mona et me jetai avec elle derrière la jeep. Deux secondes plus tard, la Hotchkiss fut bousculée avec force par un buffle de plusieurs centaines de kilos. Ils étaient tout un troupeau à fuir.

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