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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

24 Mar

les trois faces du miroir

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #Un auteur du Sud Ouest, #roman, #Loisirs&Culture, #Littérature

les trois faces du miroir
les trois faces du miroir

Pour une personne qui n’aime que la ville, le coin n’est peut-être pas des plus intéressants, mais il est resté inscrit dans ma mémoire depuis plus d’un demi-siècle. Nous sommes en Ardèche à Monségur, petit village authentique d’une cinquantaine d’âmes, accroché à une colline escarpée. Dans la vraie campagne, celle qui ne change pas et qui ne veut pas changer. Ici, nous sommes dans l’aire de répartition du vignoble du Vivarais. Il se construit de part et d’autre des gorges de l’Ardèche, en petites parcelles qui escaladent les coteaux ensoleillés et caillouteux. Des petites plantations de vignes, nourries par la pierre, certaines plantées en terrasses, dont beaucoup furent délaissés durant de longues, très longtemps années. Heureusement depuis quelques décennies déjà, des jeunes et moins jeunes vignerons Ardéchois ont repris le flambeau. Ils savaient qu’il leur faudrait beaucoup de travail, beaucoup de détermination, et de persévérance, mais que le jeu en valait la chandelle.

Mon nom d’aujourd’hui (vous comprendrez plus tard) c’est Julien Masère. J’ai une vraie carte d’identité, un vrai passeport, un vrai permis de conduire, une vraie carte vitale un vrai permis de chasser, tout est vrai, ou semble l’être. Des vrais faux en quelque sorte. Lorsque j’ai fait valoir mes droits à la retraite (on m’y a un peu poussé) je ne suis pas venu m’installer ici par hasard. Je suis originaire de la petite et charmante bourgade de Viviers situé à quelques kilomètres. Mon père y était d’abord mitron, puis ouvrier boulanger et en épousant ma mère, la fille du patron boulanger, il est devenu patron boulanger à son tour. Le village de Monségur, la ferme de La Piérade, mon grand-père paternel y est né et y a toujours vécu. J’y venais pour les vacances, et avec mon père nous y étions très souvent à la saison, pour chasser la caille, le perdreau et le lapin. J’ai eu l’opportunité (disons que j’ai créé cette opportunité) de racheter la Piérade, la maison de mon grand-père, avec les quelques parcelles de vigne. Depuis un peu plus de trois ans, j’y habite seul. Les vignes travaillées jadis par grand-père Léopold et grand-mère Jeanne, sont aujourd’hui exploitées par François Vergne un jeune du village. Pour les travaux de labour, et de gros entretien, il utilise des chevaux de trait, des comtois, comme grand-père Léopold. Ça fait du bien de revoir ces vignes fleurir, et porter de la vendange. Il me paye le fermage en bouteilles de vins. La maison un brin isolée (cela m’arrange bien) est située à l’orée d’un bois. À quelques centaines de mètres un peu en contrebas la petite chapelle des Vignes. Très croyante, ma grand-mère Jeanne, en avait la clé, mais la porte n’était jamais fermée. Elle y venait assez régulièrement pour s’y recueillir et pour entretenir l’intérieur, la fleurir. Lorsque j’étais en vacances, de temps en temps je l’accompagnais. Jamais elle ne m’a obligé. Une seule statue ornait la chapelle, celle de la Vierge Marie tenant l’enfant Jésus dans ses bras ; elle me fascinait. Peut-être à cause de l’éclairage particulier dont elle bénéficiait; ou peut-être autre chose. Cette chapelle ne recevait véritablement de fidèles qu’un seul jour par an, le 15 août. Le curé de Monségur y disait une messe, et une petite collection était servie. Puis un jour, le curé quitta le village pour prendre sa retraite, ma grand-mère décéda et plus de messe dans la chapelle des Vignes. Abandonnée, son toit se fissura, puis elle fût pillée, les vitraux et la statue de la Vierge Marie disparurent; sa fin était proche. Miracle, peut-être pas, mais un jour de l’an 2000 un mystérieux donateur anonyme finança sa restauration. La toiture est neuve, les murs sont sains, les vitraux sont restaurés, mais il manque toujours la statue de la Vierge Marie.

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