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Michel ZORDAN présente des extraits de ses romans. Il se laisse également aller à quelques réflexions sur l’actualité.

25 Feb

Gaillard, Seigneur de Saint-Cirq

Publié par Michel Zordan  - Catégories :  #Littérature, #roman, #Un auteur du Sud Ouest, #Loisirs&Culture

Gaillard, Seigneur de Saint-Cirq
Gaillard, Seigneur de Saint-Cirq

Dispo en librairie en mai - extrait ---En fin d’après-midi nous passons en vue du village de Carennac. Je ne connais pas ce nom, Altiq non plus. À la sortie d’un bocage, le long d’un pacage, à flanc de colline nous apercevons une cabane faite toute de bois. Nous y serons très bien pour la nuit, mais Altiq à un doute.

– Gaillard, tu ne bouges pas d’ici, je vais jeter un coup d’œil…

Altiq ne reste pas absent très longtemps. À son retour il a l’air affecté, je lis l’angoisse et même plus sur son visage.

– J’ai bien fait d’aller me rendre compte, c’est le repaire de la sorcière. J’ai vu un vilain y arriver, elle lui a ouvert la porte. Il portait un enfant dans ses bras. Il était tout petit, pauvre drôle… Tu crois que c’est le Tout-Puissant qui m’a poussé à aller voir ?

– Bien sur Altiq, hier soir l’idée ne t’es même pas venue ! Tu sais les sorcières sont le plus souvent des guérisseuses, elle…

– Non Gaillard ne croit pas ça, les sorcières ont des pouvoirs maléfiques, elles ont vendues leur âme au Diable. Si elles peuvent guérir c’est parce qu’elles ont signés un pacte de sang avec le Malin. Lorsque j’étais dans cette famille, il y a très longtemps, une sorcière habitait à plus d’une lieue au fond d’un bois. Un jour le ribaud qui était peut-être mon père est tombé malade. La ribaude qui était peut-être ma mère, lui a rendu visite. Lorsqu’elle est revenue, je les ai entendus discuter. En contrepartie des soins, et des médications, la sorcière exigeait un drôle. La ribaude a prononcé mon nom, mais le ribaud a dit que j’étais déjà bien trop âgé, et trop court sur pattes, que la sorcière ne m’accepterait pas. Le lendemain, le petiot né à peine quelques jours plus tôt a disparu de la chaumière. Plus tard, j’ai appris que pour soigner les maux les plus virulents les sorcières avaient besoin de bouillon de drôle. Pour le concocter elles faisaient cuire les drôles dans un grand chaudron rempli d’eau bouillante. Les cris étaient terrifiants et on les entendait de très, très loin. Plus il souffrait et plus la potion était magique. Après elles ajoutaient, de la bile de crapaud, du cœur d’agneau, oui c’est ça… du fiel de corbeau et quelques autres ingrédients…Toutes ces composantes devaient absolument être prélevés sur des sujets jeunes, vivants et en bonne santé… Ah oui, j’oubliais, il fallait aussi et impérativement une paume d’intestin grêle de jeune rat et du foie de chat-huant encore au nid. Moi, je ne risque rien, mais toi si… tu es encore un drôle…

En racontant cette triste fable Altiq a l’air bouleversé, presque terrifié. On ne peut rien contre les pouvoirs maléfiques des sorcières. Mais il y a plus important, la scène qu’il vient de vivre, a dû raviver des souvenirs très douloureux cachés tout au fond de sa mémoire. Moi je crois tout simplement que la sorcière revend les très jeunes enfants à des couples qui ne peuvent pas en avoir. Je sais qu’il est inutile de tenter de convaincre mon compagnon. À Saint-Cirq, caché dans mon escalier, j’ai un soir entendu mes parents et des amis, parler du procès d’une femme, sorcière de son état, accusée de voler de très jeunes enfants pour les revendre. Elle a été condamnée au bûcher. Jamais il n’a été question de bouillon de drôles. Nous poursuivons notre chemin jusqu’à la nuit tombante. Derrière une petite colline au bout d’un petit chemin une chaumière. À moins d’une centaine de pas, un simple abri de chaume, avec en dessous un gros tas de paille. Notre refuge nous parait moins confortable que celui de la veille, mais en nous enfonçant assez profondément ça pourra aller. Nous mangeons les restes de poulardes et de légumes. C’est froid, mais très bon quand même. Il fait encore nuit lorsque des bruits, mêlés de quelques voix se font entendre. C’est tout proche, puis ils s’éloignent. Quelques instants plus tard, cela recommence. Ça ne vient pas de la chaumière, je suis un peu inquiet, Altiq pas.

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